Rouches de bonheur

Alexandre Charlier
Alexandre Charlier Journaliste sportif

L’unanimité entoure le 9e titre du club liégeois. Anderlecht, rival historique, fait les frais de l’éclatant retour des Rouches au-devant de la scène. Après vingt-cinq ans.

Standard champion !  » : ce n’est donc plus une blague de comptoir. Vingt-cinq ans après son dernier titre, le Graal est enfin de retour à Sclessin. Dans le rétroviseur défilent un quart de siècle de frustrations, d’humiliations, de railleries. Le Standard porte beau le titre de champion de Belgique et il méritait de vivre l’incroyable bonheur en ce mémorable dimanche d’avril 2008. Même Zinedine Zidane est venu fouler le volcan de Sclessin, pour chausser le Soulier d’or à Steven Defour et voir Anderlecht, l’éternel rival, s’incliner face aux Rouches. Une jouissance suprême pour le Hell-Side, les membres des Ultra Inferno, Kop 68 et autres Public Fanatik…

La veille du choc décisif, la famille mauve était devenue orpheline : Constant Vanden Stock s’en était allé à 93 printemps. Autre pied de nez à l’histoire : le Standard obtient le titre l’année où les dikkeneks de la capitale fêtaient leur centenaire. Tout un symbole !

Rarement, en tout cas, un titre aura fait à ce point l’unanimité. Le Standard, invaincu au soir de la 30e journée de championnat, alignait, dimanche, une équipe offensive, jeune et talentueuse : Fellaini, Defour, Witsel et Goreux sont des gamins dont la carrière, c’est sûr, ne se noiera pas dans la Meuse. On a même entendu des Mauves murmurer leur admiration pour le club principautaire. C’est là, peut-être, que réside la plus grande victoire des Rouches. Car le nouveau Standard, à tous les échelons, de son administration à ses vestiaires, se montre digne de l’héritage légué par Roger Petit, l’homme qui a inscrit le club dans la légende (8 titres de 1958 à 1983). La réputation du matricule 16 semble n’avoir jamais été aussi positive. Le quotidien De Morgen osait même ce titre :  » Dit seizoen is heel België kampioen.  » Oui, le supporter lambda, peu intoxiqué par le fléau du fanatisme, peut se retrouver dans le sacre liégeois. D’Aubange à Ostende, le Standard a charmé de nouveaux sympathisants. Fier de son ancrage liégeois et wallon, le club demeure une institution nationale, avec un fort contingent d’abonnés limbourgeois – un tiers des 20 000 fidèles et 13 des 73 cercles de supporters sont néerlandophones.

 » The winner takes it all « , chantait le groupe suédois ABBA… Car les torrents de louanges médiatiques n’ont que très peu évoqué les vieilles casseroles. Certes, le club a payé pour l' » affaire Waterschei  » (1984). Eric Gerets a rebondi depuis et Raymond Goethals repose en paix. Oubliés les 23 coachs  » consommés  » en vingt-cinq ans de traversée du désert. Enfouis les écarts disciplinaires de Sergio Conceição. Finis les transferts incessants qui ressemblaient furieusement à l’import-export – Van Buyten, Cavens et Runje à l’Olympique de Marseille…

Mais, en apercevant Jean Wauters (84 ans), ancien président du Standard, à Sclessin, on se souvient que l’homme, inculpé dans l’affaire du Village n° 1 Reine Fabiola pour avoir détourné 25 millions d’euros, est suspecté d’avoir investi une partie de ce magot au sein du club. Wauters nie. Son vice-président, Luciano D’Onofrio, jubilant aux côtés de Zidane, a été condamné, en octobre 2007, à deux ans de prison (dont dix-huit mois avec sursis), dans l’affaire des transferts suspects au sein de l’OM de 1997 à 1999. Et les flics sont souvent descendus à Liège pour enquêter sur une affaire qui, insiste-t-on à Sclessin,  » est extérieure au Standard « . Michel Daerden, lui, est directement impliqué dans le  » club de son c£ur « . Il a contribué à faire sortir de terre le remarquable centre de formation du Standard : la Région wallonne a injecté 5,5 millions d’euros ; le club, lui, a pris en charge 10 millions d’euros. Et si Espinoza, Mbokani et leurs coéquipiers ont dansé  » spontanément  » la farandole sur le podium des champions, c’est parce qu’on a dû leur dire que  » papa  » veille sur leurs intérêts. Car Michel Daerden est, comme on le sait, incontournable à Liège. Ainsi, il semble que, si le groupe néerlandais TNT, leader du transport express, a massivement développé ses activités à Liège-Bierset, c’est parce qu’il a eu la judicieuse idée de sponsoriser (avec Base) les Rouches. Avec un budget de 16 millions d’euros, de loin inférieur à celui d’Anderlecht et à celui du FC Bruges, le Standard fait preuve d’une imagination débordante. Ces dernières années, il a aussi arrêté de jouer les Calimero. Avant d’être à la tête de l’équipe liégeoise, Michel Preud’homme avait été envoyé à Bruxelles, au siège de l’Union belge de football, pour investir différents niveaux de pouvoir d’une maison largement tapissée de mauve. Une mauvaise blague pour la concurrence…

Alexandre Charlier

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