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Retour au National

Une boucle se boucle pour Pierre Thys. Lui qui fut ouvreur au Théâtre national quand il était étudiant en est désormais le prochain directeur, succédant à Fabrice Murgia. Son projet se pose en équilibre entre continuité et innovation. Portrait.

« Emotionnellement, c’est très fort et puis vous ne réalisez pas trop, confie-t-il quelques jours après sa nomination. Et là où ça devient vertigineux, c’est quand les messages de félicitations commencent à arriver. Ça passe par WhatsApp, Messenger, le téléphone, le mail privé, le mail professionnel, Instagram, Twitter… C’est abyssal. » C’est le 24 mai, jour férié, lundi de Pentecôte, que son nom a été dévoilé: Pierre Thys sera, dès juillet, le nouveau directeur du Théâtre national Wallonie-Bruxelles, cohabitant pendant quelques mois avec Fabrice Murgia, pour une transition en douceur.

S’il est bien connu et très apprécié des professionnels du milieu, Pierre Thys n’est pas un visage familier du grand public. Car contrairement à la grande majorité des nominations de ces derniers mois – Léa Drouet à l’Atelier 210, Cathy Min Jung au Rideau, Coline Struyf au Varia, Emmanuel Dekoninck à l’Atelier Théâtre Jean Vilar et tout récemment le duo Isabelle Bats et Mathias Varenne à la Balsamine -, le National s’est choisi un directeur qui n’est pas artiste. Bien que son parcours ait frôlé cette voie. « J’étais dans la troupe de théâtre de l’Athénée royal de Waterloo entre la 3e et la 6e secondaire et quand je suis sorti de rhéto, j’avais l’intention de présenter le Conservatoire d’art dramatique. Mais finalement je n’ai pas eu le cran. »

Je voudrais réintégrer à Bruxelles les grands ballets contemporains qui constituent des spectacles profondément fédérateurs.

Le théâtre reviendra par la bande. Pendant ses études d’histoire à l’ULB, Pierre Thys travaille comme ouvreur au Théâtre national, alors que l’institution est encore logée à la tour Rogier, mais aussi à l’Atelier Sainte-Anne (aujourd’hui le théâtre Les Tanneurs). Et c’est avec un pied dans le secteur qu’il entend dire que le Botanique recherche quelqu’un pour son service pédagogique. Pierre Thys y reste un an. Le Botanique propose alors une programmation bien plus trans- disciplinaire qu’aujourd’hui. « J’ai travaillé sur le rapport aux académies, toutes disciplines confondues: la programmation musicale, les expositions, le théâtre et la danse. »

Challenge

La danse. Elle va occuper Pierre Thys pendant les deux décennies suivantes. D’abord au sein de Charleroi danse, le centre chorégraphique de la Fédération Wallonie-Bruxelles que dirige alors le chorégraphe Frédéric Flamand. Quand ce dernier quitte la Belgique en 2004 pour prendre la tête du Ballet national de Marseille, Pierre Thys, directeur de la communication et de la diffusion, le suit et s’implique de plus en plus en tant qu’assistant à la programmation, notamment quand Flamand devient directeur artistique du Festival de danse de Cannes. En 2012, Pierre Thys quitte le Sud pour retrouver la Wallonie, à la Cité ardente cette fois. Au Théâtre de Liège que pilote Serge Rangoni, il est programmateur danse et directeur des relations extérieures, avant d’être nommé directeur adjoint en 2018.

Bruxellois de naissance mais très ancré en Wallonie, aussi à l’aise sur les scènes belges qu’à l’international, Pierre Thys, 50 ans depuis janvier dernier, a compilé ses acquis dans son dossier de candidature, axe de travail de son mandat de cinq ans (renouvelable une fois). On y retrouve donc, bien sûr, de la danse, de manière plus prononcée que chez ses prédécesseurs. Parmi les artistes associés aux côtés d’incontournables fidèles du TN comme Anne-Cécile Vandalem (voir Le Vif du 3 juin) et le Raoul Collectif, figurent la chorégraphe bruxello-argentine Ayelen Parolin mais aussi, avec un souci manifeste d’intégrer les cultures dites urbaines, la krumpeuse verviétoise d’origine congolaise et angolaise Hendrick Ntela. Pierre Thys cite encore Lara Barsacq, Mercedes Dassy, le duo Demestri-Lefeuvre, Claudio Stellato (à la frontière du cirque) et Maria Clara Villa Lobos comme chorégraphes invités et son ambition est que le TN commence assez rapidement à produire aussi des spectacles de danse. Autre voeu: « Je voudrais réintégrer à Bruxelles les grands ballets contemporains, qui sont présents dans les grandes capitales européennes comme Amsterdam, Londres, Paris, et qui constituent des spectacles profondément fédérateurs, transgénérationnels, familiaux même. »

Dans l’escarcelle du futur directeur, on trouve aussi un festival, Les Scènes nouvelles, dédié aux artistes émergents de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le Français Mohamed El Khatib comme artiste étranger « complice », la création d’un club des entreprises, deux week-ends Les Mots à défendre – dont un consacré au slam – organisés avec les autrices associées Caroline Lamarche et Joëlle Sambi Nzeba, et de multiples partenariats. « Le challenge très excitant, s’enthousiasme-t-il. Il est de taille, je le mesure. Je l’ai voulu, je l’ai eu. » Au boulot à présent!

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