Reprise, es-tu là ?

Un peu partout, les signes positifs se multiplient. Mais les menaces qui pèsent sur l’économie mondiale n’en demeurent pas moins fortes.

Benjamin Masse-Stamberger

L’économie mondiale est décidément versatile. Il y a moins d’un an, elle s’effondrait, à la stupeur quasi générale, après que le gouvernement américain eut refusé de venir au secours de la banque Lehman Brothers. L’optimisme d’avant l’éclatement de la bulle cédait alors le pas à un catastrophisme tout aussi unanime. Et les augures, à la suite de la star Nouriel Roubini – l’économiste américain qui avait vu venir la crise des subprimes – de rivaliser de noires prévisions et de scénarios d’apocalypse. Aujourd’hui, les sourires reviennent : voilà déjà le rebond ! Un peu partout, il est vrai, les signes d’amélioration se multiplient. Aux Etats-Unis, où les green shoots (signes de reprise) éclosent comme les bourgeons au printemps (voir l’encadré en page 45). En Chine, où l’activité n’a pas tardé à reprendre son train d’enfer. En Europe enfin : pourtant déjà condamnée par beaucoup à demeurer à la traîne du redémarrage, celle-ci vient, à son tour, de prouver sa résilience en affichant un ralentissement de l’activité infinitésimal au deuxième trimestre (- 0,1 % dans la zone euro). Ses deux locomotives, l’Allemagne et la France, se sont même extirpées, contre toute attente, de la récession (+ 0,3 % chacune). Echaudés, politiques et banquiers centraux se gardent pourtant de tout optimisme béat. Conscients que le bout du tunnel est encore bien loin. Et que la sortie de crise pourrait elle aussi réserver quelques surprisesà

 » La bonne surprise, résume Pierre-Olivier Beffy, chef économiste chez Exane BNP Paribas, c’est que les plans de relance européens se sont révélés plus efficaces que prévu.  » Seul hic : à moins d’alimenter indéfiniment le tonneau des Danaïdes des déficits, il faudra bien que le secteur privé vienne prendre le relais.

Or c’est là que le bât blesse. Côté entreprises, les patrons sont un peu moins pessimistes. Le baromètre de la conjoncture établi par la BNB a en effet poursuivi son redressement en juillet atteignant son niveau le plus élevé depuis novembre 2008.  » Mais beaucoup de sociétés demeurent très endettées, et on n’observe pas de hausse spectaculaire des commandes « , souligne Véronique Riches-Flores, chef économiste à la Société générale.

Côté consommation, le tableau n’est pas beaucoup plus rose. Certes, les ménages belges résistent mieux que leurs homologues britanniques, espagnols ou américains, trop occupés à se désendetter pour songer à dépenser davantage. Mais cette bonne tenue pourrait n’être que temporaire. D’abord, parce que la remontée du prix des matières premières risque de grignoter le peu de réserves financières dont ils disposent encore. Ensuite, parce que les suppressions d’emplois vont continuer pendant de longs mois à un rythme élevé.  » Tant qu’il n’y aura pas de stabilisation du marché du travail, la situation ne s’améliorera pas vraiment « , juge René Defossez, stratégiste chez Natixis.

Autant dire que l’horizon est loin d’être dégagé. Et ce qui est vrai pour la Belgique l’est aussi pour l’ensemble des pays riches, momentanément dopés par les milliards déversés par les banques centrales et les Etats. Si la plupart des économistes jugent que le scénario du pire peut désormais être écarté –  » Nous avons échappé à la Grande Dépression 2.0 « , a récemment estimé le Prix Nobel d’économie Paul Krugman – la suite des événements demeure hautement incertaine. Nombre d’experts craignent que, une fois les plans de relance épuisés, l’économie mondiale ne connaisse une rechute. Ainsi, Nouriel Roubini juge-t-il probable un scénario en W, avec un nouveau décrochage autour de la fin 2010.

Sans être aussi pessimistes, beaucoup estiment qu’il sera impossible de retrouver les niveaux de croissance d’avant la crise.  » Nous arrivons au terme d’un cycle, entamé dans les années 1980, marqué par une baisse progressive de la productivité, analyse Pierre-Olivier Beffy. On a eu recours à un endettement de plus en plus massif pour masquer les déséquilibres croissants.  » Déséquilibres au sein même des pays riches, avec l’augmentation des inégalités et le décrochage des classes moyennes, soignées à coups de crédits toujours plus risqués. Déséquilibres entre les zones aussi, avec une montée en puissance des pays émergents, que l’Occident a combattue par le surendettement. On comprend pourquoi la tentation de repartir comme avant est si forte. Mais elle est aussi très risquée.  » On aboutira alors à la formation de nouvelles bulles, dont l’éclatement sera cette fois difficilement contrôlable « , prévient René Defossez.

Comment en sortir ?  » Nous avons besoin d’économie réelle et pas de dopage par l’endettement, martèle Pierre-Olivier Beffy. D’un nouveau cycle d’innovation qui entraîne des gains de productivité et une hausse des salaires réels. Mais cela prendra du temps.  » La preuve : les industriels n’ont pas encore recommencé à investir. La prime reviendra sans doute aux plus audacieux. Car les bonnes recettes d’hier ne feront pas forcément les gagnants de demain. Là encore, l’histoire n’est pas écriteà

Benjamin

Masse-Stamberger

Politiques et banquiers centraux se gardent de tout optimisme béat

 » nous avons besoin d’économie réelle et pas de dopage « 

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