" Un traitement focalisé sur les mécanismes de contrôle sans faire appel au traumatisme pourrait être un complément intéressant. " (La police française en patrouille devant le restaurant "Le Carillon", un des lieux des l'attentats de Paris de novembre 2015.) © AFP

Reprendre le contrôle

Une personne confrontée à une épreuve qui l’a choquée, effrayée, terrifiée peut développer un état de stress post-traumatique. Ce terme, qui a été évoqué comme effet possible du confinement, recouvre une réalité mal comprise par les médecins et scientifiques. Une nouvelle étude ouvre néanmoins des nouvelles perspectives de traitement.

Un vol. Une guerre. Un accident. Un viol. Un attentat. L’annonce d’une maladie grave. Le décès d’un être aimé. Une menace virale invisible… Toutes ces vécus ont un point commun : ils peuvent générer chez les personnes qui les subissent, voire qui en sont témoin, un trouble anxieux qui va persister à long terme. Ce trouble anxieux intense porte un nom : le stress post-traumatique (PTSD pour posttraumatic stress disorder).

Les personnes atteintes de PTSD se retrouvent comme enfermées dans le souvenir de ce qu’elles ont vu ou vécu. Ce trouble se manifeste généralement par l’intrusion fréquente et inopinée des souvenirs du traumatisme : sons, odeurs, images, sensations, tout revient à l’occasion d’une situation similaire vue dans un film, dans la vie, entendue dans un témoignage… Les personnes atteintes de PTSD peuvent alors réduire leur vie sociale afin d’éviter les situations susceptibles de réveiller ces souvenirs douloureux. De plus, ces réminiscences peuvent aussi induire une détresse importante, de l’anxiété, de la colère, de la culpabilité qui risquent à leur tour de provoquer des troubles somatiques, comme une augmentation de la tension ou du rythme cardiaque, des tensions musculaires, etc.

Mieux comprendre ce qui se passe

Jusqu’à ce jour, on considérait que la résurgence récurrente des souvenirs douloureux était due à une hyperactivité de l’hippocampe, qui produit les souvenirs. Mais une nouvelle étude, menée sur les victimes des attentats de Paris, en novembre 2015 par l’Inserm (1) précise cette explication. Pour comparer 55 personnes qui avaient vécu les attentats et avaient un stress post-traumatique, avec 47 autres victimes qui n’ont pas eu de PTSD et 73 sujets n’ayant pas vécu les attentats de près, les chercheurs ont utilisé un protocole appelé  » Think/no think « . Evidemment, il n’était pas question d’induire des souvenirs douloureux ; aussi durant une phase d’apprentissage, les sujets devaient mémoriser des associations de mots à des objets différents : par exemple, le mot  » chaise  » était associé à l’image d’un ballon.  » Le mot ‘chaise’ se comporte comme un indice d’une intrusion mentale, déclenchant le souvenir associé du ballon « , explique Pierre Gagnepain, auteur de l’étude.

Dans un second temps, les sujets de l’étude étaient soumis à une IRM fonctionnelle. La consigne qui leur était donnée consistait à visualiser dans leur esprit l’image de l’objet associé au mot qui leur était soumis, mais uniquement lorsqu’il était écrit en vert ( » Think « ). S’il était écrit en rouge, ils devaient s’empêcher d’y penser ( » No think « ). Or, en comparant les données de l’IRM fonctionnelle, les chercheurs ont constaté que les personnes atteintes de PTSD présentaient une défaillance dans les mécanismes qui suppriment les pensées intrusives de la mémoire. Elles n’étaient pas capables de s’empêcher de penser à l’image associée. Ils en concluent que la connexion entre la zone de la mémoire (l’hippocampe) et celle qui contrôle celle-ci (cortex préfrontal médian) est quasiment inexistante chez les personnes qui souffrent de PTSD. La résilience serait donc possible grâce à leur capacité à contrôler leur mémoire.

Implications pour le traitement

 » À l’heure actuelle la plupart des thérapies existantes visent à désapprendre la peur et focaliser sur le traumatisme, explique Denis Peschanski, historien au CNRS et co-auteur de l’étude. Ce que nos travaux suggèrent c’est qu’un traitement focalisé sur les mécanismes de contrôle sans faire appel au traumatisme pourrait être un complément intéressant pour améliorer l’efficacité d’une thérapie.  »

L’objectif du traitement consisterait donc à renforcer la connectivité entre les deux zones impliquées dans la mémoire, et non plus à soumettre les victimes d’événements douloureux aux souvenirs à l’origine de leur détresse…

De nouvelles études pourraient encore être lancées à partir des résultats de celle-ci, afin d’affiner encore les connaissances du PTSD, et donc son traitement.

Références sur demande auprès de jan.etienne@bodytalk.be

Le stress post-traumatique en quelques mots

? Le PTSD n’apparait pas nécessairement immédiatement après l’événement douloureux. Il peut survenir plusieurs années plus tard.

? Les souvenirs douloureux peuvent surgir n’importe quand, plusieurs fois par jour.

? Les personnes qui en souffrent font régulièrement des cauchemars.

? Elles ont un sentiment de détresse psychologique lorsqu’elles vivent des situations comparables, ou que l’événement est évoqué. Ce sentiment s’accompagne de signes physiques : palpitations, augmentation de la tension artérielle…

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