Ratko Mladic ou la fin de l’impunité

ENTRE 1991 ET 1999, L’ÉCLATEMENT DE LA FÉDÉRATION yougoslave et l’émancipation de la domination serbe des peuples qui la composaient ont plongé l’Europe dans ce qu’elle n’avait plus connu depuis la Seconde Guerre mondiale : un conflit armé, de surcroît particulièrement meurtrier (de 200 000 à 300 000 morts), en Croatie (1991-1995), en Bosnie-Herzégovine (1992-1995) et au Kosovo (1996-1999). En Bosnie en particulier (96 000 morts), les Européens ont alors revu des images qu’ils croyaient à jamais enfouies dans l’histoire du continent : des corps décharnés derrière des barbelés dans des camps de détention rassemblant des civils sur une base ethnique. En mettant fin à la cavale de seize ans du commandant en chef de l’armée de la République serbe de Bosnie, Ratko Mladic, c’est un chantre de cette épuration ethnique que les services de renseignement serbes ont envoyé devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie de La Haye.

Sur les 162 hauts responsables inculpés par le TPIY pour les plus grands crimes commis lors de ces guerres, son procureur, le Belge Serge Brammertz, n’en attend plus qu’un, Goran Hadzic. Le bilan du TPIY peut d’ores et déjà être considéré comme un succès tandis que se profile sa fermeture. Cette réussite conforte l’exercice d’une justice internationale. Ce tribunal ad hoc créé en 1993 par l’ONU a servi d’aiguillon à la mise sur pied de la Cour pénale internationale de La Haye, amenée de façon permanente à poursuivre les violations majeures des droits de l’homme de par le monde. C’est un progrès pour l’humanité. La justice internationale connaît certes des lacunes. Elle peut apparaître  » occidentalocentriste  » ou sembler épargner les grandes puissances. Il n’en demeure pas moins que, du Soudan à la Libye, la lutte contre l’impunité a considérablement progressé ces dernières années.

Les avancées du droit international n’ont en revanche pas vacciné le monde contre les dérives nationalistes. L’arrestation du  » boucher de Srebrenica  » a ravivé, à Belgrade, la hargne des nostalgiques d’une Grande Serbie. Il faut certes se garder d’établir des comparaisons oiseuses. Les génocides du XXe siècle (arménien, juif, tutsi, musulman bosniaque) ont tous eu une guerre pour cadre. Le rappel des atrocités commises sous la houlette des Slobodan Milosevic, Radovan Karadzic et Ratko Mladic est pourtant salutaire. A l’heure où les nationalismes ne cessent de prospérer en Europe, il n’est pas inutile de se remémorer les extrémités auxquelles ils peuvent conduire. D’autant que la crise économique n’est pas le seul ressort de ces mouvements contemporains, parfois fondés sur la xénophobie.

La détermination du président Boris Tadic dans la traque de Ratko Mladic démontre que la réalité serbe ne se réduit pas aux agissements d’une minorité d’extrémistes. L’Union européenne a eu raison de suspendre l’ouverture du chantier de l’adhésion de la Serbie à la neutralisation des criminels de guerre. Cela a servi d’adjuvant. La cohérence impose que les Vingt-Sept y répondent par un premier geste. La Serbie a vocation à faire partie de l’Union européenne. Néanmoins, c’est aussi la responsabilité des dirigeants européens de ne procéder à un nouvel élargissement qu’à des conditions optimales, qui passent par l’accomplissement harmonieux du précédent.

Il n’est pas inutile de se remémorer les atrocités auxquelles les nationalismes peuvent conduire

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