Qui est Karl Waldmann ?

L’enquête débute au lendemain de la chute du mur de Berlin. Contacté par un revendeur venu de Dresde désireux de monnayer un ensemble d’objets manufacturés de la période constructiviste, un journaliste découvre une farde contenant quelques collages réalisés par l’oncle du trafiquant :  » un fou « , aurait dit ce dernier. Pour le reste, rien si ce n’est une £uvre peu à peu redécouverte par une équipe internationale de chercheurs emmenée par le galeriste bruxellois Pascal Polar. Soit, à ce jour, plus de mille pièces réalisées entre le milieu des années 1910 et la fin des années 1950. Comment expliquer cette mise à l’écart, durant tant d’années, sauf par la facilité avec laquelle le pouvoir stalinien a pu gommer, voire nier l’existence de  » gêneurs  » ? Or l’£uvre de Waldmann est d’abord celle d’un chroniqueur secret autant que révolté, souffrant de la montée du nazisme dont il pointe et commente de manière obsessionnelle les faits et gestes à l’aide d’un peu de colle, d’une paire de ciseaux et de beaucoup d’attention. Un homme qui avait d’abord tout misé sur l’utopie communiste, empruntant, au début de sa carrière, aux plus grands et premiers abstraits la manière, sinon l’esthétique. Mais un homme aussi qui, loin d’une ville qui fut le lieu de rendez-vous de l’intelligentsia russe et européenne, se réfugia, à l’ère du réalisme socialiste triomphant, dans la région de Cracovie, avant de disparaître (dixit son neveu) dans un camp de travail, en 1958. Bref, Karl Waldmann était bien fou et son £uvre pouvait être oubliée. En effet, ses collages renvoient toujours à des faits quotidiens que l’artiste commente à partir d’un découpage de figures, architectures, mots et chiffres (dates ?) puisés dans les journaux de l’époque puis structurés par une mise en forme qui use, de façon originale, de la manière des Rodtchenko et autres Lissitzky. Les allusions frontales ou insidieuses, mêlant sport et politique, cinéma et faits réels, s’avèrent multiples et pertinentes. A l’étage de la galerie bruxelloise qui expose Waldmann, un ensemble d’affiches remarquables depuis Malevitch jusqu’aux réalistes socialistes des années 1950 appartenant à la collection Bodenschatz de Bâle, vient parfois éclairer, de manière inattendue, les propos du collagiste.

Bruxelles, galerie Pascal Polar, 108, chaussée de Charleroi. Jusqu’au 4 février. Du mercredi au samedi, de 14 à 19 heures. Tél. : 02 537 81 36. www.karlwaldmannmuseum.com

Guy Gilsoul

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