Si choisir consiste à répéter l’expérience acquise sans que l’imagination soit de la partie, comment parler de choix ?
Chiara Bellini, Bruxelles
Etymologiquement, choisir (mot d’origine germanique) signifie : goûter, examiner, éprouver. Il fait référence à des situations antérieures tant dans leurs tenants que dans leurs aboutissants. Ne dit-on pas que l’histoire est un éternel recommencement et qu’au-delà de toute considération personne n’ignore la fin inéluctable qui le guette ? Chaque situation individuelle est tributaire d’un nombre limité de solutions, déjà expérimentées, répétition fastidieuse des mêmes causes aux mêmes effets. Choisir révèle l’acte par lequel û soit pour satisfaire un désir précis, soit sous le coup d’une pulsion û on fait ceci plutôt que cela à la recherche d’un résultat précis. Aucune » invention » dans cette démarche. Reste qu’on peut considérer l’acteur du choix soit comme un individu-pour-soi, soit comme un » faiseur d’avenir « .
Comme individu désirant, je n’ai à ma disposition que le souvenir ou les on-dit, expériences des autres à moi racontées. Dans ces limites, mon choix n’a de valeur que pour ma sensibilité ou un calcul d’intérêt. Dans le premier cas, il y a ou non satisfaction de mon être intime. Dans le second, l’estimation se révélera juste ou fausse en fonction d’une finalité que je me suis donnée. Je suis seul en cause pour le meilleur et le pire. L’être fini que je suis ne peut mettre en marche que des opérations qui sont tout sauf inattendues. La gamme des sensations et sa recherche û qui donne sens à mon choix û sont l’affaire de chacun, un peu comme les couleurs que tous nomment à l’identique sans que je puisse savoir si mon rouge-à-moi est bien vu tel par un autre. Le choix, comme diraient les philosophes en leur jargon, exprime ma finitude.
Par contre, il peut devenir invention au sein d’une liberté qui n’est plus individuelle, mais politique. Certes, l’individu et l’Histoire disent la répétition du premier dans la seconde pour en déduire scientifiquement l’inexorable. En revanche, tout reste ouvert, si l’on aspire à devenir partie prenante non du futur mais de l’avenir. Ce dernier n’est pas le découvrement d’un être abstrait, mais la somme des espoirs et des raisons pour que demain, précisément, ne soit pas la répétition de hier. Ici, choisir, ce qui est toujours un acte personnel û fût-il multiplié à millions û n’a de valeur que posé par moi, mais au-delà de l’individu immédiat, isolé, apolitique et répétitif que je suis quand je choisis-pour-moi. Et cet avenir, parce qu’il représente la multiplicité des possibles, est donc enfant de mon imagination.
Jean Nousse