Quand le privé s’emmêle

George Webb, chargé de filer un mari adultère, succombe au charme de sa cliente. Un noir méli-mélo signé Graham Swift

La Lumière du jour, par Graham Swift. Trad. de l’anglais par Robert Davreu. Gallimard, 334 p.

Attention, un Swift peut en cacher un autre. A l’ombre de l’illustrissime Jonathan û l’inventeur de Gulliver û le modeste Graham a dû ramer sec pour se faire un prénom. Mission accomplie : ce romancier de 55 ans, couronné d’un Booker Prize en 1996, plastronne aujourd’hui à la proue des lettres britanniques, aux côtés de William Boyd, de Martin Amis ou de David Lodge. Sa spécialité ? Le jardin à l’anglaise, avec ses friches d’âmes perdues et de c£urs brisés : depuis Le Pays des eaux, Graham Swift met souvent en scène des vies qui chavirent, des destins sacrifiés, des naufrages silencieux sur lesquels il dépose, mezza voce, le duvet d’une écriture tchékhovienne.

Avec La Lumière du jour, Swift s’est aventuré sur les terres du bon vieux polar pour signer un roman qui est un petit bijou de délicatesse psychologique. George Webb, son héros, est détective privé. Pas un superman, mais une sorte de Nestor Burma dépressif, solitaire, avide de tendresse. Dans son antre de Wimbledon, il reçoit un jour la visite de l’élégante Sarah Nash, qui cache sous son manteau de cachemire les blessures d’une femme trompée. Elle sait en effet que Bob, son mari, a une maîtresse, une réfugiée croate qui doit bientôt quitter l’Angleterre et retourner dans son pays. Bob partira-t-il avec elle ? Ou rentrera-t-il au bercail ? Cela, Sarah l’ignore encore et c’est pour cette raison qu’elle a besoin des services de George Webb. Qui va espionner les deux amants, et les suivre dans leur Saab noire jusqu’à l’aéroport en épiant leurs moindres gestesà

C’est l’histoire de cette filature que raconte La Lumière du jour, avec un drame terrible en guise de dénouement. Parce que le détective a pris sa tâche trop au sérieux. Et parce que, entre-temps, il est tombé amoureux de la belle Sarah. Mêlant affaires de police et affaires de c£ur, le romancier britannique jette sur le tapis trois personnages qui, à cause d’un banal adultère, vont sombrer dans les pires ténèbres, au fil d’une enquête dont les véritables ressorts sont les mystères de l’être humain. Graham Swift : petite musique de nuit, dans des ambiances de Série noire. l

André Clavel

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