«Quand ils coupent leur téléphone, c’est Bagdad dans ma tête»

Le Vif

Jennifer, infirmière et mère de trois enfants, se reconnaît dans la définition de mère hélicoptère.

A la naissance de ses enfants, aujourd’hui âgés de 18, 20 et 23 ans, Jennifer (44 ans) a développé des mécanismes de surprotection, surtout en matière de sécurité. Petits, elle ne les confiait à personne. Seuls deux membres de la famille étaient autorisés à rester seuls avec eux. Pas de chien à la maison, pas de jeux trop aventureux, interdiction de marcher un verre en main… Aujourd’hui encore, elle les fait boire dans des gobelets en plastique. D’ailleurs, sourit-elle, «ils n’ont jamais rien eu de cassé». Elle a couvert leurs bêtises, menti à l’école lorsque l’un refusait de se lever, réglé leurs conflits, épongé leurs dettes, coupé la viande de sa fille jusqu’à ses 16 ans… Elle explique son attitude par plusieurs facteurs: une mère alcoolique, un père qui l’a couvée, un entourage qui ne la pensait pas capable d’être «une bonne mère», un trouble de l’attention et une hyperactivité diagnostiquée chez un des trois enfants.

Aujourd’hui, ses «petits» sont de jeunes adultes. Pourtant, elle continue de les suivre à la trace. «J’ai installé un système de géolocalisation sur leur téléphone mais ils l’ont supprimé. Dès qu’ils sortent de la maison, je dois savoir où ils vont, avec qui, ce qu’ils boivent… Je reste en contact permanent avec eux. Si par malheur ils coupent leur téléphone, c’est Bagdad dans ma tête. Je ne peux pas m’empêcher d’imaginer le pire. Alors qu’il ne leur est jamais rien arrivé.» Lassés d’être fliqués en permanence, ses enfants se sont soit soumis à ses exigences, soit rebellés.

«Ils ont des réactions très différentes. Ma fille aînée ne sort pas comme le font les autres jeunes de son âge. Elle a développé la même attitude surprotectrice à mon égard. Si je sors prendre un verre, je dois activer ma géolocalisation, dire avec qui je vais, ce que j’ai bu… Avec le deuxième, c’est beaucoup plus tendu. Il veut sa liberté et revendique plus d’autonomie, ce qui provoque des disputes incessantes. Sa révolte se traduit par un refus de me dire ce qu’il fait lorsqu’il est hors de la maison, ni même où il va. Ce qui pour moi est très difficile à accepter. Le cadet, enfin, s’est plié à mes quatre volontés. Après l’école, il sait qu’il doit revenir directement à la maison et attendre l’heure du souper.» Jennifer assure pourtant vouloir que ses enfants deviennent plus autonomes, y compris pour avoir un peu de temps pour elle.

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