Présumée innocente

Non, ce n’est pas une histoire à dormir debout. Une juge aux abois, un flic cow-boy, un avocat sulfureux… un trio de rêve pour un polar palpitant. Sans parler des  » fuites « , savamment orchestrées par de mystérieux indicateurs, qui nous en apprennent, chaque jour, des vertes et des pas mûres. Dès le début de l’affaire, c’est l’emballement. Pour les médias comme pour le grand public , la tentation est grande de broder même à partir d’éléments ténus. Et puis la saga ne se déroule-t-elle pas dans un milieu propice au fantasme collectif : la sacro-sainte justice, très ébranlée depuis décembre 2008 qui a vu le gouvernement Leterme déboulonné suite aux coups de boutoir portés par Ghislain Londers, premier président de la Cour de cassation ?

Contexte délétère, période kafkaïenne, les temps sont durs pour la magistrature depuis l’affaire Fortis. Méfiance, suspicion, scepticisme… Un environnement idéal pour les règlements de comptes peu glorieux. Le moment choisi, en tout cas, par Glenn Audenaert, patron de la police judiciaire fédérale, pour envoyer à Stefaan De Clerck une  » bombrief  » accusant Francine De Tandt, présidente du tribunal de commerce de Bruxelles, de corruption. Depuis, la polémique ne cesse d’enfler. Certes, la vie de Francine De Tandt est brouillée, mais que dire de celle de son détracteur ? Sans parler de tous les acteurs de ce dossier aux intérêts aussi obscurs qu’interpellants. Autant de leurres ? Qui dit vrai dans toute cette histoire ? La vérité, rien que la vérité, d’accord, mais pas en trompe l’£il. Les  » révélations  » qui pleuvent sur l’un et l’autre ne sont-elles que des pétards mouillés que certains tenteraient de transformer en bombes pour protéger des intérêts perso ? Quelle mouche a donc piqué Glenn Audenaert pour qu’il s’adresse directement au ministre de la Justice plutôt qu’à la cour d’appel ou à la Cour de cassation, comme le prévoit la procédure ? Avait-il des arrière-pensées ? A qui profite donc le crime ?

Mais nous voilà rassurés, après moult hésitations, sous la pression de plusieurs parlementaires, Stefaan De Clerck a pris les choses en main. Haut les c£urs ! Il n’empêche. Avant de connaître les conclusions de l’enquête disciplinaire à l’encontre de Francine De Tandt, ne faut-il pas faire preuve de retenue, de prudence, de sang-froid ? Et voir déjà plus loin. Et si l’affaire De Tandt, in fine, était salutaire ? Et si, quelles que soient les culpabilités (à démontrer), elle était le reflet d’une juste évolution du pouvoir judiciaire face aux politiques ?  » En Belgique, les trois pouvoirs commencent à se contrôler (…) Il existe maintenant des procédures qui font que des gens devront rendre des comptes (…) Les procédures permettent au pouvoir judiciaire de devenir plus autonome par rapport aux autres pouvoirs « , note le professeur de l’ULg Pierre Verjans ( Le Soir du 19 août 2009). Rien de  » pourri « , non, au royaume d’Albert II. Les choses bougent et plutôt dans le bon sens. Même si, entre-temps, d’autres bombinettes éclateront ici ou là. Le prix à payer pour les indispensables réformes. Et surtout pour éloigner définitivement du sérail ceux qui n’y auraient, désormais, plus leur place.

www.leVIF.BE

Et si l’affaire De Tandt était salutaire ?

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire