Le sélectionneur Michel van den Heuvel s’est contenté de dire que Tom Boon est écarté «à cause de son profil». © photo news

Pourquoi les Red Lions ont changé en vue de l’Euro

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Symbolisée par l’absence de Tom Boon, la cure de rajeunissement des Red Lions de hockey appuie sur l’accélérateur à un an des Jeux de Paris.

On dit de Michel van den Heuvel qu’il est un homme de peu de mots. Un contraste avec son prédécesseur Shane McLeod, coach néo-zélandais qui, dès son entrée en fonction, en 2015, avait insisté sur la nécessité de renforcer la notion de groupe et d’améliorer la communication entre ses Red Lions, que ce soit sur ou hors du terrain. A l’époque, le «kiwi» avait pioché au nord, du côté orange de la frontière, un froid mais brillant tacticien batave pour compléter son staff. S’il portait alors le titre anonyme de «T3», désignant le deuxième adjoint de l’entraîneur principal, Michel van den Heuvel multipliait les allées et venues sur la E313, entre son domicile d’Eindhoven et la Belgique, pour améliorer les plans de jeu des Lions. Le tout en dirigeant le club à succès de Bloemendaal, au jeu égayé, notamment, par le Belge Arthur Van Doren, élégant défenseur élu meilleur joueur au monde en 2017 et 2018.

Tom Boon a été élu meilleur joueur du championnat belge ces deux dernières années.

Caricaturé comme un coach froid, peu enclin au dialogue, Michel van den Heuvel l’admet à moitié, à l’heure de se prêter au jeu de la comparaison avec son prédécesseur pour Hockey World News: «C’est vrai que si vous voulez me comparer à Shane, je dirais que je suis plus favorable à une approche faite de speechs directs face à l’intégralité du groupe, là où Shane préférait avoir des conversations individuelles avec chaque joueur.»

Tom Boon l’aurait sans doute préféré, lui aussi. Parce qu’on dit également que les conversations n’ont jamais été riches entre l’attaquant, l’une des premières figures de proue de la génération en or du hockey belge, et son nouveau sélectionneur, entré en fonction dans la foulée des Jeux olympiques victorieux de Tokyo. Plus de trois cents sélections et de 150 buts sous la tunique des Lions ont ainsi été écartés du prochain championnat d’Europe, dans la trop froide intimité d’un vestiaire à la suite d’une victoire amicale contre le voisin français. Une absence qui fait parler, bien plus que celles de Tanguy Cosyns et Sébastien Dockier, également membres historiques du groupe noir-jaune-rouge. Sans doute parce que Tom Boon vient de remporter les deux dernières éditions du Stick d’or, récompense attribuée au meilleur joueur du championnat belge. Peut-être, aussi, parce qu’il sort d’une saison à 53 buts, total qui semblait incontournable à l’heure de constituer la liste pour Mönchengladbach, où se déroulera l’Euro du 18 au 27 août. Le coup de tonnerre a, en tout cas, foudroyé Tom Boon, déçu de la manière encore plus que du verdict, précisant qu’avant les récentes rencontres de Pro League, Michel van den Heuvel lui avait encore affirmé qu’il serait présent pour le tournoi et se disant donc, sur BX1, surpris par la communication de son sélectionneur: «S’il pensait ou s’il sentait que j’étais en balance d’une manière ou d’une autre, il aurait pu venir me dire pour quelles raisons, et ce que je devais améliorer pour faire partie de l’équipe. Ces mots-là, je ne les ai pas entendus.»

Tom Boon, déçu de la manière encore plus que du verdict de son éviction de l’Euro de Mönchengladbach.
Tom Boon, déçu de la manière encore plus que du verdict de son éviction de l’Euro de Mönchengladbach. © getty images

Revenu au chevet du groupe dans un costume d’adjoint et présent dans le vestiaire à Lille, le prolixe Shane McLeod n’en aurait pas dit beaucoup plus. Comme s’il se rangeait à la communication de son nouveau «patron». Face à la presse, Michel van den Heuvel se contente de dire que Tom Boon est écarté «à cause de son profil». Un homme de peu de mots. Il y a pourtant des choses à dire.

Rajeunissement en trois noms

Parce que le grand public semble aimer autant que la presse l’exercice des barres parallèles, la moyenne d’âge affichée par les Red Lions pour la Coupe du monde 2023, disputée en Inde au début de l’année, avait inévitablement tendu les perches de la comparaison avec les Diables Rouges, éjectés prématurément du Mondial de football qatarien quelques semaines plus tôt. Roberto Martinez était trop têtu, trop conservateur. Son équipe, vieillissante. Et voilà que les Lions, champions du monde et olympiques en titre, débarquent pour défendre leur couronne mondiale avec une moyenne d’âge de 30 ans et l’étiquette d’une «équipe de vieux», comme en sourit le taulier Florent Van Aubel à l’aube de la compétition. Par rapport aux joueurs sélectionnés par Shane McLeod quatre années plus tôt, pour l’édition précédente, seuls trois des vingt noms diffèrent.

Laconique, encore, le sélectionneur parle alors d’une sélection qui «semble facile à établir», avant un discours convenu sur la concurrence plus coriace que d’apparence. La Belgique atteint la finale, joue par moments un hockey de rêve contre les Pays-Bas en demi-finale et émerge aux shoot-out grâce au gardien Vincent Vanasch, décisif dans son exercice de prédilection. L’histoire semble se répéter en finale face à l’Allemagne, quand les tirs au but s’imposent au bout d’un partage spectaculaire (3-3), mais ce sont les grands voisins de l’est qui posent leurs sticks sur le toit du monde.

Au cœur du jeu, la présence du jeune et talentueux Arno van Dessel ne surprend personne.

Dépossédée de sa couronne mondiale, deux ans après la perte de l’européenne suite à une défaite en demi-finale contre les Pays-Bas – aux shoot-out, encore – la Belgique semble alors réfléchir progressivement à sa révolution. Le mouvement se confirme après les deux défaites face aux Bataves lors de la Pro League du début du mois de juillet, puis s’affirme dans la sélection rendue par Michel van den Heuvel pour l’Euro allemand.

Au cœur du jeu, la présence du jeune et talentueux Arno van Dessel ne surprend personne. Malgré ses 20 ans, le joueur de l’Herakles multiplie les choix judicieux et épate le groupe par son intelligence de jeu bien au-dessus de la moyenne. Des atouts qui en faisaient le remplaçant tout désigné de Simon Gougnard, lequel a mis sa carrière internationale sur pause cet été pour se consacrer aux restaurants qu’il a ouverts avec ses frères, ne fermant d’ailleurs pas la porte à un point final derrière la parenthèse dans son communiqué: «Après l’été, je verrai si l’énergie revient pour repartir à la conquête de Paris.»

C’est probablement avec l’échéance olympique de 2024 dans un coin de la tête que Michel van den Heuvel a posé ses choix forts, préférant donc William Ghislain (24 ans) et Nelson Onana (23 ans) au chevronné Tom Boon. Avec une idée bien précise: «Le rajeunissement apporte de la fraîcheur et de la vitesse.»

Des Red Lions tournés vers 2024 et 2026

Il faut y voir, sans doute, l’inévitable revers de la médaille d’or, conquise par une équipe qui se connaît sur le bout des doigts. Des années de sélections sans réelle surprise, des trentenaires toujours au sommet de leur art, mais aussi de mieux en mieux étudiés par des adversaires qui s’inspirent du modèle belge pour atteindre ou retrouver les sommets. Le jeu national est devenu lisible, parfois prévisible, et c’est un détail qui coûte parfois une médaille dans un sport où les écarts de niveau entre les meilleures nations sont très faibles. Les Lions sont bien placés pour le savoir puisque depuis 2018, toutes leurs participations à des grands tournois se sont ponctuées sur une égalité et une séance de shoot-out décisive, pour le meilleur (Coupe du monde 2018, JO 2021) ou pour le pire (Euro 2021, Coupe du monde 2023).

Comme les Diables Rouges, les Red Lions doivent faire face à une équipe vieillissante.
Comme les Diables Rouges, les Red Lions doivent faire face à une équipe vieillissante. © getty images

L’effet de surprise n’est, à ce titre, probablement pas une mauvaise chose pour que les schémas offensifs des Red Lions puissent à nouveau surprendre leurs adversaires lors de l’Euro, généralement utilisé comme un laboratoire grandeur nature en vue de la prochaine olympiade tant la concurrence continentale est élevée. Lors des Mondiaux du début d’année, cinq des huit pays présents en quarts de finale étaient d’ailleurs issus du Vieux Continent.

Encore auteur de sept buts lors de la Coupe du monde indienne de janvier dernier, Tom Boon suivra donc cette révolution à distance tout en réfléchissant aux suites à donner à sa carrière internationale. Si Michel van den Heuvel n’a pas fermé la porte à un retour de l’attaquant pour l’échéance olympique de l’été prochain, le style de jeu de l’attaquant du Léopold ne semble pas cadrer avec le futur envisagé pour redynamiser les Red Lions.

Il faut dire que si Paris est actuellement sur toutes les lèvres, la Belgique voit déjà un peu plus loin. En 2026, deux ans après avoir tenté de reconquérir leur titre olympique, les Red Lions auront l’opportunité de disputer la Coupe du monde à domicile pour la première fois de leur histoire, grâce à une organisation partagée avec les Pays-Bas. Pour les glorieux aînés du hockey belge, le terminus parisien qui semblait couler de source pourrait désormais déboucher sur une prolongation du voyage en vue d’une apothéose à domicile, plus précisément à Wavre où le stade Justin Peeters, ancienne enceinte du Racing Jet – club de football local –, est désormais en voie d’être transformé pour être consacré au hockey, accueillera bel et bien l’événement grâce à de nouveaux subsides qui doivent permettre le début des travaux en septembre.

L’important, pour le pays, sera surtout d’être compétitif sur ses terres. D’où une planification déjà lancée pour préparer la nouvelle génération à progressivement prendre le relais des hommes dorés de Tokyo. A douze mois des Jeux et à trois ans du grand événement national, les Onana, Ghislain et Van Dessel ne sont sans doute que les premiers témoins de ce changement de visage.

Les 18 Red Lions pour l’Euro

Les gardiens:

Vincent Vanasch (Orée), Loic Van Doren (Dragons)

Les défenseurs: Gauthier Boccard (Léopold), Arthur De Sloover (Oranje-Rood), Alexander Hendrickx (Pinoké), Loick Luypaert (Braxgata), Manu Stockbroekx (Orée), Arthur Van Doren (Bloemendaal)

Les milieux: Félix Denayer (Dragons), John- John Dohmen (Orée), Antoine Kina (Gantoise), Arno Van Dessel (Herakles), Victor Wegnez (Racing)

Les attaquants: Cédric Charlier (Racing), Nicolas de Kerpel (Herakles), William Ghislain (Waterloo Ducks), Nelson Onana (Braxgata), Florent van Aubel (Pinoké).

La faim des Panthers

Deux ans après leur médaille de bronze lors de l’Euro d’Amsterdam, les Red Panthers débarquent en Allemagne avec des ambitions affirmées. Lui aussi Néerlandais, le sélectionneur Raoul Ehren a conservé 18 des 25 joueuses qui font partie du groupe élargi de l’équipe nationale féminine en y intégrant de nouvelles têtes comme la défenseure Vanessa Blockmans, la milieu de terrain Camille Belis ou les attaquantes Emily White et Delphine Marien, qui participeront à Mönchengladbach à leur premier tournoi majeur.

Dans le giron des Panthers, on parle ouvertement de finale, voire de sacre au moment de franchir la frontière. Comme chez les hommes, seule la lauréate du tournoi validera avec effet immédiat son billet pour les Jeux olympiques de Paris, objectif avoué de la sélection féminine. Il faudra pour cela se défaire des éternelles Néerlandaises, championnes d’Europe et du monde en titre.

Les gardiennes: Aisling D’Hooghe (Waterloo Ducks), Elena Sotgiu (Antwerp)

Les défenseures: Vanessa Blockmans (Waterloo Ducks), Hélène Brasseur (Gantoise), Lucie Breyne (Waterloo Ducks), Emma Puvrez (Tilburg), Stephanie Vanden Borre (Braxgata)

Les milieux: Camille Belis (Orée), Alix Gerniers (Gantoise), Barbara Nelen (Gantoise), Michelle Struijk (Gantoise), Judith Vandermeiren (Braxgata)

Les attaquantes: Charlotte Englebert (Den Bosch), Delphine Marien (Dragons), Abi Raye (Tilburg), Justine Rasir (Racing), Louise Versavel (Braxgata) et Emily White (Waterloo Ducks).

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