Pour un président dans la rue

Que, hors de Belgique, Van Rompuy soit un illustre inconnu est alarmant.

HERMAN VAN ROMPUY EST DEVENU, voici deux ans et demi, le premier président permanent du Conseil européen. Peu de temps auparavant, il s’était installé au 16, rue de la Loi et, à ce titre, il n’avait rencontré les autres dirigeants européens que quelques fois à peine. Cela ne l’a pas empêché de laisser une impression de grande consistance auprès d’eux. Les semaines qui ont précédé sa nomination ont fait penser à un thriller politique. La candidature de Tony Blair, donné favori, fut la première à être écartée. Suivait l’évincement des autres postulants, les uns après les autres. Mais Van Rompuy, lui, a tenu la distance.

Le 1er mars, un second mandat de deux ans et demi lui a été accordé. Sans tambour ni trompette, cette fois. Chez nous, les journaux y ont encore consacré leur Une, mais à l’étranger l’événement est passé inaperçu.

Aux Etats-Unis, il serait inimaginable que l’éventuelle reconduite de Barack Obama à la Maison-Blanche fasse si peu de bruit. Bien sûr, Van Rompuy n’est pas un président comme Obama. La première mission de Van Rompuy consiste à aider les dirigeants européens à trouver le consensus. En principe, ses idées à lui ne comptent pas. Il est tel un haut diplomate qui tend l’oreille, en toute discrétion, et qui présente, en temps opportun, la bonne synthèse des propositions mises sur la table. Cette mission, il l’a menée à bien. Certes, la presse internationale le prend comme un drôle de bonhomme, l’air engoncé et un peu gauche lors de ses conférences de presse, manquant de charisme, mais montrant une solide maîtrise de ses dossiers. Pourquoi dès lors eût-il fallu le remplacer ?

Dans la pratique, le président européen a plus de pouvoir qu’on ne le croit communément. Naturellement, il lui faut pas mal de doigté pour s’accommoder des balises que lui ont mises l’Allemagne et la France, mais il n’est pas privé de toute marge de man£uvre pour autant. Loin de là. Van Rompuy et son équipe dressent pour une grande part l’agenda européen, façonnent les compromis conclus au Conseil européen et ont accès à toutes les informations dont ils ont besoin. Le président est beaucoup plus que le secrétaire des Etats membres. Le fait que, depuis deux ans déjà, la crise de l’euro domine l’ordre du jour européen donne des ailes à l’économiste Van Rompuy. Le dossier de la monnaie unique lui sied à merveille.

En Flandre, nous sommes fiers que  » notre  » Herman soit monté si haut. Mais nous ne pouvons pas nous voiler la face. La crise de l’euro a entaché la crédibilité de l’Europe, des pans de plus en plus larges de la population contestent les décisions prises. Si les leaders européens se font élire presque en catimini, la légitimité du projet européen en souffre. Et que, hors des frontières belges, Van Rompuy soit un illustre inconnu est tout aussi alarmant. Aujourd’hui, l’Europe n’a pas tellement besoin de haute voltige technocratique, il lui faut un programme fort, présenté par des dirigeants dignes de confiance. Van Rompuy ne sera jamais charismatique, mais il devra être plus visible au cours de son nouveau mandat. Le président européen ne doit pas seulement être présent dans les salles de réunion, mais aussi dans la rue et sur les places publiques. TOUTES LES CHRONIQUES OPINIONS SUR WWW.LEVIF.BE

Aujourd’hui, l’Europe n’a pas tellement besoin de haute voltige technocratique

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