Dans Le Retour du héros, Jean Dujardin casse une nouvelle fois les codes. © SDP

Pour le plaisir

Jean Dujardin s’en donne à coeur joie en arnaqueur veule et coureur dans Le Retour du héros, divertissement populaire modernisant les codes de la comédie romantique en costumes pour mieux les subvertir. Rencontre.

Une statuette hollywoodienne change-t-elle foncièrement le cours de la carrière d’un acteur français ? Oui, serait-on tenté de répondre dans le cas de Marion Cotillard, vue chez Michael Mann, Christopher Nolan, Steven Soderbergh, James Gray ou Robert Zemeckis depuis son triomphe pour La Môme en 2008. Mais non, dans celui de Jean Dujardin, oscarisé en 2012 pour The Artist. Il y a bien eu un numéro de claquettes dans le Saturday Night Live aux côtés de Zooey Deschanel, une apparition éclair en banquier suisse à l’abominable accent anglais dans The Wolf of Wall Street de Martin Scorsese et une autre chez l’ami George Clooney – avec qui il se fend aussi d’une pub Nespresso – pour son Monuments Men. Mais depuis, retour à la normale, ou presque, pour le french lover, qui est passé deux fois par la case Lelouch (ouch…) mais a surtout retrouvé son personnage  » à vannes  » de Brice de Nice. Qui s’en plaindra, après tout ? Mieux : aujourd’hui, il revient là où il est le meilleur, sur le terrain miné de l’humour veule et mal léché, voire carrément machiste, dans Le Retour du héros ( lire la critique dans Focus Vif du 8 février), comédie grand public mais plutôt lettrée où il profite d’une imposture en capitaine d’opérette fuyant la guerre mais pas le ridicule.

Je suis plutôt vu comme un zinzin dans le milieu

Rencontré, comme Jean Dujardin, en janvier à Paris, Laurent Tirard, le réalisateur du film, qui l’avait déjà fait tourner dans Un homme à la hauteur face à Virginie Efira, allume la mèche :  » Jean est un superacteur de comédie. Comme beaucoup de Français, quand j’ai vu le premier OSS 117, je me suis dit : enfin, on tient notre nouveau Belmondo ! Il avait tout : le charme, l’élégance, l’impertinence, l’autodérision. Un mec capable de jouer les séducteurs et les abrutis, et de se faire aimer dans les deux cas, c’est quelque chose de rare et précieux. Jean est un énorme bosseur et il a un instinct de dingue. Il fait partie de ces acteurs pour lesquels, quand la scène est finie, c’est bien de laisser tourner la caméra. Parce qu’on sait qu’il va sortir quelque chose…  »

Casser les clichés

Dans la foulée, l’acteur prolonge :  » Ce qui est inspirant chez Belmondo, c’est le plaisir. Je n’ai jamais cherché à l’imiter, sinon je ne serais pas ami avec lui ( sourire). Mais m’en inspirer, comme lui a pu le faire d’un Jules Berry par exemple, ça oui. Les comédies en costumes sont inscrites dans l’ADN du cinéma français. Et pourtant, on n’en fait plus. Ça effraie les financiers qui, par facilité, se tournent vers une logique très formatée. Parce qu’aujourd’hui, on arrive avec un bout d’idée qui ne coûte rien, genre une histoire de colocs avec untel et des punchlines, et, en avant, on lance la production. Pardon, mais moi j’ai envie de revoir des films comme ceux de Jean-Paul Rappeneau ou Philippe de Broca, donc je me donne les moyens de les faire. De toute façon, à l’écran, les costumes on les oublie très vite et on s’amuse. Le Retour du héros, c’est un film d’arnaque, d’usurpation, où on se tourne vers le passé en insufflant de la modernité. Parce que la nostalgie pour la nostalgie, ça n’a pas beaucoup d’intérêt.  »

Fuyant l’obsession contemporaine du tout-venant de la comédie française, Le Retour du héros évoque à l’arrivée autant Feydeau que Les Mariés de l’an deux, remis au goût du jour par la bande (une magouille financière à la Madoff) sans forcément non plus sacrifier à l’insupportable diktat de la bien-pensance : si, par exemple, le personnage incarné par Mélanie Laurent affiche une farouche indépendance, celui endossé par Noémie Merlant prend du plaisir à se ramasser des claques.  » J’aime avant tout casser les clichés, reprend Jean Dujardin, très impliqué dans l’élaboration du film. Il y a des passages obligés dans les comédies romantiques, comme le premier baiser par exemple. J’avais envie de casser ça. C’est très jouissif de jouer avec les codes.  » Casser. Comme Brice de Nice, donc. On y revient. Et si le film se plaît à moquer la fascination imbécile pour le devoir, le courage et l’honneur, il le fait également dans un esprit très cartoon (Laurent Tirard n’a pas pour rien réalisé Astérix et Obélix : au service de Sa Majesté).

Populaire mais pas vulgaire

Le Retour du héros est aussi un film de bande, un film de troupe, qu’on imagine très bien transposé sur les planches. En ce sens, l’ensemble ne brille pas forcément par son ambition formelle. C’est plutôt une affaire d’écriture et de bons mots.  » J’ai un parcours très populaire, rebondit Jean Dujardin. Ce qui ne m’empêche pas de faire de jolies rencontres. Je n’ai pas été boudé par Bertrand Blier ni par Nicole Garcia, par exemple. Mais c’est sûr que les frères Dardenne ne m’appellent pas ( sourire). Je n’en tire aucune amertume. Il faut aussi savoir qui on est. Moi je suis plutôt vu comme un zinzin dans le milieu. C’est Vincent Lindon qui me disait ça. Je passe parfois d’un registre à l’autre sans trop savoir si je peux vraiment le faire. Je pense que, dans la comédie, il y a encore plein de choses à explorer. La comédie, ce n’est pas vulgaire. Ce n’est pas que pour la plèbe. C’est une émotion, aussi.  »

Le goût du risque et de l’expérimentation sous la mine enjouée et le sourire farceur, Jean Dujardin ? Alors qu’il vient tout juste de confirmer qu’il reviendra se beurrer la biscotte en Hubert Bonisseur de La Bath dans un troisième OSS 117, les prochains mois le verront en tout cas s’aventurer en territoire moins balisé qu’à l’habitude. Le comédien sera ainsi bientôt du Daim de Quentin Dupieux ( Rubber, Wrong, Réalité), roi du délire arty et du non-sens siphonné, mais aussi de I Feel Good, le nouveau film de l’impayable tandem formé par Gustave Kervern et Benoît Delépine ( Aaltra, Mammuth, Saint Amour), aux côtés de Yolande Moreau…  » S’il y a bien un acteur qui ne calcule pas, c’est moi. Je ne vais pas systématiquement chercher des rôles méritants. Je vais aussi chercher des cons. C’est sûr que Kervern et Delépine, ce n’est pas très 20 h 30. Mais il se trouve que je n’ai pas tout le temps envie d’être l’amuseur des familles. La vie n’est pas toujours douillette. J’ai envie de ressentir des choses différentes.  » On ne demande qu’à voir.

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