Pour devenir saint, c’est combien ?

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

La canonisation de Damien aura coûté une petite fortune. Sa congrégation, les frères Picpus, a été mise à contribution jusque dans les années 1970. Depuis lors, seuls les dons, venus surtout d’Espagne, ont financé la cause.

Cent vingt ans après sa mort, Damien de Molokaï voit officiellement le culte dont il est l’objet reconnu par l’Eglise. Le roi, la reine, le Premier ministre Herman Van Rompuy, plusieurs ministres fédéraux et des milliers de pèlerins assisteront, ce 11 octobre (à 9 heures), à la messe de canonisation du prêtre belge, célébrée place Saint-Pierre. L’organisation de cet événement et des autres célébrations prévues à Rome en l’honneur du saint a un coût, qui vient s’ajouter aux frais de procédure, assez lourds, engagés depuis le lancement de la cause de canonisation.

 » Les différentes branches nationales de notre congrégation, les frères Picpus, dont Damien était membre, ont longtemps contribué, une fois par an, à supporter le coût de la procédure de canonisation, confie le père Edouard Brion, de la communauté picpussienne de Charleroi. Nous sommes présents dans le monde entier, et surtout en Espagne, au Brésil, au Chili, aux Etats-Unis et en Indonésie. Mais, depuis 1970, nous ne sommes plus sollicités. La cause de canonisation s’autofinance grâce aux dons privés, qui ont surtout une origine espagnole. Si, en Belgique, Damien est plutôt considéré comme un héros national, en Espagne, il est depuis longtemps vénéré comme un saint. Les Picpus y ont beaucoup d’écoles et une revue tirée à 100 000 exemplaires publie des témoignages qui ont fait du missionnaire belge une figure invoquée. D’où les dons envoyés à Rome pour alimenter la caisse du postulateur, chargé de défendre la cause. « 

Le postulateur est appelé à suivre, au Saint-Siège, les causes de sa congrégation. Il rassemble les témoignages, les écrits nécessaires à la connaissance du futur saint et veille au dossier médical en vue d’une éventuelle reconnaissance de miracle. Les dons qu’il reçoit lui permettent de subvenir à ses besoins et de rémunérer du personnel pour des travaux de recherche, de traduction et d’impression de documents. Plusieurs postulateurs se sont succédé ces dernières années pour suivre le dossier Damien. Début septembre, un Allemand a remplacé un Italien, décédé. Damien est le premier Belge canonisé sous Benoît XVI. En 1989, Jean-Paul II avait élevé au rang de saint le frère Mutien Marie, de Malonne, et, en 2000, le même pape avait canonisé s£ur Marie Amandine, une franciscaine martyrisée en Chine en 1900.  » Il est difficile d’obtenir des chiffres précis sur le coût de la cause du père Damien, reconnaît François Ducatillon, chercheur à l’ULB, auteur d’une étude sur les mécanismes des béatifications et canonisations. D’autant que l’archidiocèse de Bruxelles-Malines a lancé la procédure il y a plus de septante ans déjà. A tire indicatif, signalons que la cause de dom Columba Marmion, troisième abbé de Maredsous, béatifié en 2000, a coûté environ 175 000 euros à son abbaye et à deux abbayes s£urs. Pour Damien, le postulateur des Picpus, à Rome, ne m’a pas répondu. Pas facile d’aborder un sujet aussi matérialiste au moment où l’on vise l’élévation d’un saint homme ! « 

Le coût des canonisations empêche en tout cas nombre d’évêchés sans ressources de lancer des causes. Dans un premier temps, pas de chance pour Damien : il décède à Molokaï, île du Pacifique qui dépend de l’évêché (pauvre) d’Honolulu. On y a invoqué le manque de personnel pour enclencher la procédure, ou encore la crainte de polémiques avec les protestants.  » Il a donc fallu attendre le transfert de la dépouille à Louvain, en 1936, pour que, deux ans plus tard, la cause puisse être lancée « , indique Ducatillon. La première phase du procès n’aboutit cependant qu’en 1977 et Damien n’est béatifié qu’en juin 1995, après attribution d’un miracle. Et il a fallu la  » certification  » d’un deuxième miracle pour pouvoir offrir, ce dimanche, un patron aux lépreux.

OLIVIER ROGEAU

 » Pas facile d’aborder un sujet aussi matérialistE « 

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