Plus que deux semaines

Le contexte boursier a rendu moins attrayants les fonds collectifs d’épargne-pension au profit des assurances-pension et de leurs homologues bancaires à taux garanti. Mais le véritable atout de ces produits reste leur fiscalité.

Qu’elle est lancinante, cette rengaine hivernale chantant les louanges de l’épargne-pension! Ce ne sont pas tant les problèmes persistants de financement des pensions légales qui la mettent régulièrement sur le devant de la scène mais bien les largesses fiscales qui y sont liées: de nombreuses institutions financières rappellent en effet judicieusement, mais aussi fort opportunément, que tout contribuable peut souscrire une épargne-pension en décembre, afin de se constituer un bas de laine pour la retraite, tout en bénéficiant d’importantes réductions d’impôts pour l’ensemble de l’année.

Certes! Pour l’exercice d’imposition 2003 (revenus 2002), cette économie d’impôts oscille entre 30 et 40 % des primes alimentant l’assurance-pension ou l’épargne-pension bancaire, en fonction des revenus professionnels nets imposables du contribuable, avec un plafond sporadiquement indexé et fixé cette année à 590 euros. Plus les revenus sont modestes, moins l’économie d’impôts sera substantielle. Pour atteindre le pourcentage maximal de déduction de 40 %, les revenus nets imposables du contribuable doivent pointer aux alentours de 35 000 euros, ce qui portera l’économie d’impôts à quelque 236 euros par an. Ce n’est pas rien, on en conviendra, mais ces générosités fiscales ne tombent dans l’escarcelle de l’épargnant que moyennant le respect de conditions parfois contraignantes.

Des conditions strictes

D’abord, souscrire une assurance épargne-pension ou un compte d’épargne-pension bancaire suppose des versements métronomiques jusqu’au moment où sonnera l’heure de la retraite légale, à savoir 65 ans pour les hommes, et 62 ans pour les femmes cette année. Ces dernières se réjouiront probablement de l’égalité constatée avec leurs homologues masculins en 2009, date à laquelle l’âge de leur pension légale sera également porté à 65 ans.

Tout arrêt de la police d’assurance avant la fin du contrat, qu’on laisse dormir les cotisations versées sur le contrat (« réduction ») ou qu’on les reprenne (« rachat »), sera du reste fort pénalisant financièrement, surtout dans le dernier cas de figure. Le rachat d’une épargne-pension, qui consiste en réalité à « retirer ses billes », s’accompagne en effet d’une taxation de 33 % minimum des primes versées et capitalisées lorsqu’il y a eu déductions fiscales, ne fût-ce qu’une seule fois! Cette taxation de 33 % est en outre pigmentée d’une indemnité de rupture de contrat de 5 % en moyenne. Inutile de dire qu’il convient de proscrire une telle opération…

Ensuite, pour que le contribuable puisse bénéficier d’une économie d’impôts, l’épargne-pension (quel que soit le produit) doit être souscrit pour dix ans au moins. Cette durée est toutefois réduite à 5 ans pour les personnes âgées de plus de 55 ans. Autres conditions(sauf pour les fonds collectifs) : outre le fait que le souscripteur doit être un habitant du royaume ayant entre 18 et 64 ans, le preneur d’assurance (celui qui paie les primes), l’assuré (celui sur qui repose le risque assuré) et le bénéficiaire en cas de vie (celui qui perçoit les capitaux assurés) doivent être une seule et même personne! Enfin, le bénéficiaire en cas de décès doit être un parent proche, jusqu’au 2e degré: père, mère, (demi-)frère, (demi-)soeur, etc.

Si les assurances épargne-pension ou les produits bancaires homonymes s’avèrent particulièrement alléchants sur le plan fiscal, quoique astreignants, quelques précisions s’imposent.

D’abord, le capital de base généré par les cotisations du contribuable est grevé d’un précompte libératoire de 16,5 % pour l’épargne constituée avant 1993 et de 10 % pour celle qui a pris forme après cette date. Cela dit, cette taxe de 10 et/ou de 16,5 % n’est pas prélevée à l’échéance du contrat (65 ans en principe): elle est en effet déduite du capital par l’assureur aux 60 ans de l’épargnant.

De surcroît, les traditionnelles participations bénéficiaires (PB), ces « bonus » octroyés chaque année, en sus du taux d’intérêt garanti, ne font pas l’objet d’une attention soutenue du fisc: elles sont simplement taxées à hauteur de 9,25 % dans le chef de l’assureur, qui déduira alors cette imposition somme toute modeste du capital versé à l’épargnant à ses 65 ans.

Ensuite, un contexte de taux plutôt frisquets et une situation conjoncturelle délicate sont actuellement défavorables aux assurances épargne-pension. A tel point qu’une demande en bonne et due forme du secteur des assurances a abouti sur la table du ministère des Affaires économiques pour que le taux maximal garanti de ces plans d’épargne soit officiellement abaissé de 3,75 à 3,25 %. Pour rappel, au début des années 1980, ce taux d’intérêt maximal garanti sur toute nouvelle souscription s’élevait à 6,25 %, pour être ramené à 4,75 % jusqu’à la fin 1998, date à laquelle ce taux a de nouveau été réduit, cette fois à 3,75 %. En janvier 2003, il est plus que probable que ce taux se tassera une nouvelle fois, à 3,25 %,  » nonpas pour contenter le secteur des assurances, dont la crainte est de ne pouvoir honorer ses engagements à long terme, mais bien pour protéger les consommateurs d’éventuellesdérives… », lance Henri Dineur, chef de cabinet du ministre des Affaires économiques, Charles Picqué.

A négocier!

Enfin, les frais de commissionnement des agents bancaires ou des courtiers d’assurance, les frais de gestion, de couverture des risques (décès) et les frais de fractionnement sont loin d’être modiques. Cela dit, dans le cadre de l’assurance épargne-pension, un distinguo important doit être opéré à cet égard entre les polices d’assurances traditionnelles, où le taux d’intérêt est garanti sur toute la durée du contrat, et celles dites flexibles, lesquelles n’affichent un taux garanti que sur les primes fixées, pas sur celles à venir. En moyenne, les frais se montent à plus de 15 % en moyenne sur chaque prime versée pour les premières et entre 4 et 6 % pour les secondes. Faut-il dès lors opter pour les seules polices dites flexibles (de type Universal Life, dans le jargon)? A dire vrai, oui, du moins dans la plupart des cas! Même si les taux viennent à être abaissés en janvier, à 3,25 %, les quelques atouts recelés par l’assurance classique, tels que la sécurité d’un taux étale jusqu’à l’échéance (mais qui n’est guère folichon) et quelques couvertures d’assurances spécifiques (en cas de décès ou d’invalidité des suites d’un accident ou d’une maladie, par exemple) ne font souvent pas le poids face à des frais moindres et, partant, à un rendement plus intéressant.

Un exemple? Aux AP Assurances (groupe Dexia), un épargnant de 40 ans versant 590 euros par an jusqu’à 65 ans se verrait octroyer un capital 27 976 euros à l’échéance (hors taxes) dans le cadre de la formule flexible (ArcoLife; taux garanti de 3,75 % et PB estimée à 1,25 %), contre 24 526 euros dans le cadre de la formule classique (Plan 50 Epar-Plus; taux garanti de 3,75 %, PB estimée à 1,25 %).

Cependant, on ne peut se montrer aussi catégorique: la situation personnelle d’un épargnant n’est pas l’autre et il se peut qu’une « négociation sans concession » atténue la facture de la formule classique. Ainsi, il n’est pas rare qu’un courtier avec qui on entretient de bonnes « relations » lâche une partie de sa commission, ce qui peut avoir un impact prépondérant sur le rendement de l’épargne. Ce n’est pas tout, les frais de fractionnement peuvent aussi être amoindris: ils seront généralement réduits de moitié si l’épargnant opte pour des versements annuels plutôt que mensuels.

Pour tous les âges

Toutefois, l’exemple mentionné ci-dessus ne servait essentiellement qu’à mettre en lumière la différence de rendement entre les deux formules. Cela ne signifie nullement qu’il faille d’office opter pour l’une ou l’autre de ces deux formules d’assurance ou bancaire. Il existe en effet des fonds d’épargne-pension collectifs, dont les actifs sous-jacents (actions, obligations) sont certes plus risqués qu’une épargne-pension traditionnelle, mais aussi potentiellement plus rémunérateurs, surtout à très long terme.

Les fonds d’épargne-pension collectifs (10 sont actuellement commercialisés en Belgique), qui bénéficient également des largesses du fisc, seront donc privilégiés par les jeunes épargnants. Les deux autres formules préalablement (et succinctement) développées seront davantage recommandées aux personnes de plus de 50 ans, d’autant plus que leurs revenus imposables seront probablement plus élevés qu’à l’âge de 30 ans, ce qui optimisera les avantages fiscaux. Finalement, on en revient toujours à cette sacro-sainte fiscalité avantageuse, mère nourricière de rendements qui, sans elle, feraient aujourd’hui bien pâle figure…

François Mathieu (Cash!)

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