Pas si reine en Norvège

Au début, les compatriotes d’Eva Joly étaient fiers de son retour à Oslo en qualité de  » conseiller spécial « . Et puis, ils lui ont trouvé une arrogance… bien française.

Les retrouvailles d’Eva Joly avec son lieu de naissance avaient pourtant bien commencé. En septembre 2002, la magistrate de l’affaire Elf, auréolée de son prestige, est accueillie en héroïne lorsqu’elle devient  » conseiller spécial  » du ministre de la Justice, à la tête d’une petite unité composée de cinq fonctionnaires, Okokrim (acronyme de Criminalité économique), chargés de conseiller le gouvernement en matière de lutte contre le blanchiment et la corruption.

Pourtant, dès sa prise de fonctions, la Franco-Norvégienne accumule les impairs. A quatre reprises, l’ex-magistrate de l’affaire Elf sort de son obligation de réserve et, dans les médias, commente différentes affaires en cours d’instruction. Par deux fois, son ministre de tutelle est contraint de venir s’expliquer en personne devant la presse afin de couvrir la nouvelle recrue. Du jamais-vu. En privé, Odd Einar Dorum rappelle à l’expatriée certains codes sociaux norvégiens qu’elle semble avoir oubliés.  » Ici, quelle que soit votre position, il ne faut jamais vous comporter comme si vous étiez au-dessus des autres. Faute de quoi, les concitoyens finissent par ne plus vous respecter « , explique aujourd’hui l’ex-ministre. De son côté, le ministre de la Coopération Erik Solheim, pour lequel elle a également travaillé, plaide sa cause :  » Elle parle sans prendre de gants parce qu’elle est davantage une politique qu’une bureaucrate. Et c’est pour ça que les gens l’apprécient. « 

A la fin de l’été 2005, la mission d’Eva Joly s’achève. Elle reste cependant conseillère spéciale, mais auprès du ministre de la Coopération. Jusqu’en février 2009, elle dirige, toujours en électron libre, une petite équipe qui organise des tables rondes d’experts internationaux et, parallèlement, accomplit des missions de coopération axées sur la transparence et la bonne gouvernance auprès de différents Etats africains, notamment le Nigeria, l’Ouganda, le Kenya, ou encore Madagascar. De Lagos à Nairobi, elle fustige le népotisme. Mais, à Oslo, la presse découvre qu’Eva Joly a recruté la fille de sa plus proche collaboratrice au sein de son équipe. Sans lancer d’appel à candidatures, alors que l’usage l’exige dans la fonction publique.

Un an et demi après avoir quitté la Norvège, l’élue des Verts au Parlement européen fait toujours parler d’elle. En septembre dernier, la presse révèle que trois ministres de l’actuel gouvernement ont omis de déclarer des cadeaux, d’une valeur approximative de 2 000 euros chacun, reçus dans l’exercice de leurs fonctions. Nouvelle tempête médiatique. Interrogée par téléphone, Eva Joly prend les choses de haut :  » Franchement, cela prête à sourire. Lorsque j’instruisais l’affaire Elf, j’écartais toutes les factures qui n’atteignaient pas 1 million de francs. La Norvège, c’est vraiment la mare aux canards.  » L’arrogance française, toujours.

AXEL GYLDÉN

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