Ourania : le ciel de Le Clézio

Ourania, par J. M. G. Le Clézio. Gallimard, 298 p.

Ourania commence dans ce pays d’où l’on ne revient jamais et que l’on nomme l’enfance. La réalité est un secret, des chapelets de mots s’échappent des livres ; sous chaque mot, il y a une étoile qui bouge. Les odeurs quotidiennes ont des parfums d’éternité. Le plus médiocre des décors peut devenir un grenier à rêves. Le narrateur, Daniel Sillitoe, un géographe français, se souvient du bonheur de ses primes années en arrivant au Mexique, où il est venu effectuer des relevés topographiques. Plusieurs thèmes animent ce roman étrangement vivant, de nature vagabonde et ethnographique. Les mystères des relations amoureuses, les diverses possibilités de s’accorder au monde, aux éléments, à un morceau de ciel ou de nuit, et la présence des rêves, cette force pure, dans la conduite des hommes.

Il n’est pas indifférent que le narrateur soit un géographe (j’ai pensé à Gracq et à ce qu’il disait de la géographie et de  » la projection du temps dans l’espace « ). C’est un personnage qui a besoin de vues panoramiques, de paysages. Penché sur la peau de la terre, il lit dans ses cicatrices l’histoire et les souffrances de ceux qui ont vécu dans ses plis. Nous sommes dans un Mexique fantôme et pourtant bien réel. Le pays lui-même joue un rôle actif dans la dynamique du livre. Volcans, geysers, villes de pouvoir et d’argent, usines de congélation de fraises, etc. Tout semble toujours près de basculer dans l’abîme. La tristesse est s£ur de la fête. Les hommes portent le poids des siècles sur leurs épaules. Ourania, qui fait la part belle à la poésie des toponymes et à la magie du monde indien, tient de la relation de voyage, c’est le récit d’une quête et la rencontre d’un homme avec son destin.

Deux lieux d’utopie occupent le c£ur du livre. Campos est une communauté végétarienne et libertaire où les enfants vivent hors de l’autorité de leurs parents. Chaque membre du groupe est un maître à sa façon.  » A Campos, on n’enseigne rien d’autre que la vie.  » L’on y parle une langue qui mêle l’espéranto, le chant des oiseaux et la fantaisie de tous les mots. L’Emporio est une sorte de collège populaire, une thébaïde pour anthropologues et chercheurs. Dans une hacienda modèle réduit, des hommes pensent à la Grèce et à l’avenir. Deux îles pour la liberté. Deux endroits condamnés à disparaître, engloutis par un environnement dont ils contestent le pouvoir. Il y a deux femmes aussi, dans Ourania. Chacune est le miroir où le narrateur sonde sa sincérité et sa propre liberté. L’ensemble dessine une carte du ciel. L’enfance n’est pas trahie. l

Daniel Rondeau

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