Oublier Sangatte

Dès qu’un individu met le pied en Grande-Bretagne, le droit coutumier anglais considère qu’il possède déjà un droit à y rester. Le gouvernement de Tony Blair cherche néanmoins à décourager l’immigration clandestine, en créant des centres de détention pour réfugiés, en supprimant l’autorisation immédiate de travailler pour les demandeurs d’asile et, enfin en imposant aux étrangers une carte d’identité spécifique, alors qu’il est toujours hors de question d’en imposer une aux Britanniques. Sans ces mesures restrictives, jamais Nicolas Sarkozy, ministre français de l’Intérieur, n’aurait accepté de signer un accord avec son homologue du Home Office, David Blunkett, en vue de dénouer la crise de Sangatte, au début du mois de décembre.

Combien de temps faudra-t-il aux filières pour se réorganiser devant ce nouveau mur de l’Atlantique? Mystère. Depuis juillet 2001, à l’initiative d’Antoine Duquesne, ministre de l’Intérieur (MR), les principaux pays concernés -la Grande-Bretagne, la France, la Belgique et les Pays-Bas – ont décidé d’unir leurs forces et leurs informations. La décision de fermer plus tôt que prévu le centre pour réfugiés de Sangatte, à deux pas de l’entrée du tunnel sous la Manche, a montré les limites de ces bonnes dispositions, l’affaire ayant été emballée, en un temps record, entre les seuls ministres Sarkozy et Blunkett. Une dizaine de réfugiés irakiens enregistrés au centre de la Croix-Rouge de Sangatte et détenus dans un centre d’accueil en Belgique ont pu bénéficier in extremis de l’arrangement concocté entre les deux pays: l’attribution par la Grande-Bretagne d’un permis de travail de quatre ans à 80 % des illégaux de Sangatte (en majorité, des Irakiens) et l’examen par la France des possibilités d’accueil pour les 20 % restants.

Dès l’annonce de cet arrangement, les autorités belges redoutaient un afflux important de clandestins. Elles ont dès lors conclu des accords de coopération avec la France pour des opérations de contrôle sur les parkings frontaliers, la présence d’officiers de liaison britanniques au départ de l’Eurostar, en gare du Midi, le prêt de matériel de détection britannique aux autorités portuaires d’Ostende et de Zeebruges, etc. Du concret, donc, mais aussi une bonne dose de spectacle, histoire d’intimider les filières clandestines et, aussi, de rassurer les bourgmestres de la côte. Ainsi, l’opération « Beaufort4 », qui s’est déroulée du 10 au 11 décembre dernier, a mobilisé 230 agents des polices fédérale et locales et a permis d’interpeller 21 migrants illégaux et un passeur: un maigre bilan.

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