Opération mains propres

La classe politique est rattrapée par sa collusion avec les milices paramilitaires, dans les années 1990. Même l’entourage du président Uribe est touché.

De notre correspondante Paradoxe, c’est au moment où le président Alvaro Uribe engrange comme jamais les succès militaires contre les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) qu’il est confronté à ce qu’il est convenu d’appeler le  » scandale de la parapolitique « . L’affaire implique à ce jour 32 parlementaires de sa majorité, tous accusés de complicité avec les anciennes milices paramilitaires d’extrême droite. Ces dernières avaient été créées dans les années 1990 par de grands propriétaires terriens, des militaires de haut rang et des trafiquants de cocaïne afin de tenter d’en finir avec la guérilla, qui tenait la dragée haute à l’armée régulière.

Voilà un mois, Mario Uribe, un cousin germain du président de la République, a été arrêté et placé en détention. Cet ex-sénateur est accusé d’avoir collaboré avec des paramilitaires, ou  » para « , coupables d’avoir terrorisé ou tué des paysans afin d’acquérir à vil prix d’immenses terres. Or, au moment des faits, vers 1990, Mario était encore le bras droit d’Alvaro…

A l’origine, l’objectif des milices était simple :  » nettoyer  » le pays des rebelles pour en finir avec les enlèvements et l' » impôt révolutionnaire  » extorqué aux propriétaires terriens et aux narcotrafiquants. Mais, très rapidement, les paramilitaires ont, comme la guérilla, sombré dans l’hyperviolence. Au final, leur  » nettoyage  » a fait des milliers de victimes : paysans, syndicalistes, journalistes ou juges, coupables, selon eux, de collusion idéologique avec la guérilla.

La loi voulue par Uribe se retourne contre lui

Officiellement démantelées durant le premier mandat présidentiel d’Alvaro Uribe (2002-2006), ces milices ont, durant des années, pénétré la sphère politique. Dans les régions où elles opéraient, elles appuyaient, armes à la main, les politiciens. Lesquels, en retour, fermaient les yeux sur leurs agissements et, même, réservaient un traitement privilégié à ceux qui s’étaient lancés dans les affaires.

Initiée en 2005 dans le cadre du programme de démobilisation des paramilitaires, la loi Justice et paix permet à ces anciens chefs de guerre de bénéficier de réductions de peine, à condition qu’ils confessent leurs agissements. Mais la loi voulue par Uribe se retourne contre lui. A la suite des confessions de repentis, pas moins de 63 enquêtes ont été ouvertes contre des parlementaires, pour l’essentiel de la majorité pro-Uribe ! C’est dans ce contexte que, la semaine dernière, le chef de l’Etat a décidé d’extrader 14 des plus importants chefs  » para  » vers les Etats-Unis, où ils seront jugés pour trafic de drogue (mais pas pour homicide).

Au grand dam des familles des victimes. Elles déplorent que les extraditions limitent les possibilités d’élucidation des assassinats. Et freinent les efforts déployés par la justice pour déterminer le degré de collusion réel entre certains représentants de l’Etat et ces chefs paramilitaires. C’était peut-être, aussi, le but de la man£uvre.

Christine Renaudat, à Bogota

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