OMC : le casting d’un échec annoncé

Le sommet de Hongkong n’a guère de chances de déboucher sur un véritable accord. Car, à la table de négociations, des intérêts trop divergents s’affrontent. En voici les principaux représentants

Question à Pascal Lamy, Peter Mandelson, Rob Portman et tous les grands négociateurs de la planète présents ces jours-ci à Hongkong : pourquoi avoir réuni à grands frais, du 13 au 18 décembre, dans l’ancienne colonie britannique 300 ministres, 3 000 journalistes, 6 000 délégués et 2 000 représentants d’ONG, alors que tous les organisateurs et négociateurs savaient depuis des semaines que cette sixième conférence de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) était vouée à l’échec ? Comme à Seattle en 1999 et Cancun en 2003. Le semblant d’accord auquel parviendront sans doute les 149 pays, symbole dérisoire d’une générosité très calculée de la part des pays industrialisés, ne trompe personne : le cycle de Doha, lancé en 2001, et destiné à réduire les barrières douanières dans l’agriculture, les services et l’industrie, est dans l’impasse.

Sur le banc des accusés figure en bonne place l’Europe, érigée en forteresse agricole refusant toute nouvelle concession depuis la réforme de sa politique agricole commune, adoptée en 2003. L’Union, qui pratique des tarifs agricoles cinq fois plus élevés que ceux des Etats-Unis, n’a fait (presque) aucun effort. Mais le Brésil, son principal accusateur, nouveau leader du bloc des pays émergents, n’a pas renoncé, lui, à ses tarifs douaniers industriels trois fois plus élevés que la moyenne mondiale. Quant à l’administration américaine, saluée pour avoir relancé au début d’octobre les discussions, alors qu’elles étaient au point mort, elle s’est surtout contentée de poudre aux yeux, des promesses, des menaces à peine voilées et une poignée de chèques glissés ici et là aux pays pauvres… A l’arrivée, rien de concret, surtout concernant le montant astronomique de ses soutiens à l’agriculture.

Ajoutez toutes les difficultés de ce cycle de négociations : calendrier très resserré (pour être validé par les Etats-Unis, un accord doit être bouclé au plus tard au printemps 2007), multiplication du nombre de négociateurs (149 membres de l’OMC), montée en puissance des pays émergents (le G 20), une mondialisation de plus en plus contestéeà

 » Hongkong II  » à… Genève

Sans parler de l’irruption des sujets dits  » irritants  » dans le jargon de l’OMC, susceptibles de torpiller un sommet, comme le coton ou la banane, et il est clair que le Français Pascal Lamy, en dépit de ses qualités reconnues de chef d’orchestre de l’OMC, n’avait guère de chances de  » réussir  » Hongkong. L’ancien commissaire européen ne s’y est pas trompé en  » recalibrant  » au début de novembre le format de la conférence, une façon de revoir à la baisse ses ambitions et d’admettre mezza voce son échec. Mais peut-être aurait-il été plus simple d’annuler la représentation, pour se concentrer sur celle que l’on appelle déjà  » Hongkong II « . Comme son nom ne l’indique pas, elle aura certainement lieu à Genève, aux alentours du 1er mars. Il faudra alors rappeler aux négociateurs ce petit conseil, donné par Paul-Henri Ravier, ancien directeur adjoint de l’Organisation mondiale du commerce :  » La base du commerce, c’est le marchandage : ce qu’on obtient, on le paie.  » Reste à faire la différence entre les pays riches et pays émergents, capables de payer, et les pauvres, qui ne le sont pas. Revue des acteurs sur scène.

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