Nouvel enfer irakien

Terre dévastée, l’Irak n’en finit pas de servir d’exutoire à de très vieilles guerres, qui secouent l’islam depuis ses origines. En décembre 2006, juste avant d’être pendu, Saddam Hussein avait eu le temps de lancer  » A bas les Perses ! « , véritable cri de haine ancestrale. Auparavant, et depuis, on avait largement constaté les ravages de l’affontement entre sunnites et chiites. En 2008, ce sont les chiites qui se déchirent entre eux. Depuis plus d’un mois, Bassora, dans le sud du pays, comme la banlieue chiite de Bagdad sont en proie à des heurts très violents qui opposent les forces gouvernementales du Premier ministre, le chiite Nouri al-Maliki, appuyées par des unités américaines, à l’Armée du Mahdi. Cette dernière, dirigée par Moqtada al-Sadr, 34 ans, jouit d’un grand renom dans les quartiers les plus défavorisés de la capitale, où s’entassent 2,5 millions de déshérités.

Sadr City est le terrain idéal pour l’éclosion de croyances moyenâgeuses qui puisent aux tréfonds de la foi chiite, comme l’explique intelligemment l’historien arabisant Jean-Pierre Filiu (1). Là grossit un courant millénariste qui espère la venue du Mahdi (le  » bien-guidé « ), un imam (le douzième d’une lignée ouverte par Ali, gendre du prophète Mahomet) chargé de rétablir la justice sur terre et de châtier sans pitié les ennemis de l’islam. Selon la tradition, cet imam se serait éclipsé en 941 –  » C’est la « grande occultation », analyse Jean-Pierre Filiu, dans laquelle le chiisme vit jusqu’à aujourd’hui  » – mais demeure caché et peut se révéler à tout instant. Avec 60 000 hommes en armes dévolus à cette foi, Moqtada al-Sadr est devenu une réelle menace pour le pouvoir central, soucieux de reconquérir sa souveraineté. Et donne aux incantations antiaméricaines une tonalité prophétique supplémentaire. Il offre désormais, avec le chef du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah (qui fit ses études islamiques à Nadjaf, en Irak), une deuxième corde à l’arc chiite qui traverse désormais le Moyen-Orient. Auquel il faut ajouter les flèches de l’Iranien Ahmadinejad, intimement persuadé de l’immanence de l’imam caché pour son propre compte. Pour cette nouvelle génération d’exaltés, comme l’écrit Jean-Pierre Filiu,  » la fin du monde est un sujet d’avenir « . l

(1) L’Apocalypse dans l’islam, par Jean-Pierre Filiu. Fayard, 375 p.

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