Mythes flamands

Paul De Grauwe

Les Flamands se font beaucoup d’illusions sur tout ce qui pourrait se produire en Flandre si celle-ci accédait à l’indépendance. La plupart d’entre eux partent du principe que les frontières du territoire flamand ont été fixées une fois pour toutes. Ils croient que, si la Flandre devenait indépendante, la frontière linguistique deviendrait automatiquement la frontière d’Etat. Rien n’est moins sûr. En droit international, une frontière linguistique n’égale pas une frontière d’Etat. Les francophones n’accepteront jamais qu’en cas de scission du pays la frontière linguistique devienne la frontière d’Etat. Et puisqu’aucun accord ne pourra être trouvé en ce domaine, un arbitrage supranational s’imposera. Il y a donc de fortes chances que l’Union européenne s’en mêlera. Un référendum sera organisé dans les territoires contestés. Or le résultat de pareille consultation populaire est connu d’avance. Les territoires contestés, à très forte majorité francophone, seront détachés de la Flandre. Il n’y a pas de doute qu’une Flandre indépendante perdra une partie de son territoire. La nouvelle Flandre ne correspondra pas à la Flandre actuelle. Mais cette réalité-là n’est pas prise en considération : les indépendantistes n’ont pas encore intégré l’abandon de territoires dans leurs comptes de profits et pertes.

Une deuxième illusion consiste à croire que la Flandre indépendante sera gérée plus efficacement. Certes, chacun sait qu’en Belgique des décisions importantes sont reportées ou restent lettre morte à cause des nombreuses dissensions qui opposent les politiques flamands et francophones. Mais en ira-t-il autrement dans une Flandre indépendante ? Beaucoup de différences idéologiques divisent, en Flandre aussi, les partisans de plus d’Etat et les tenants de moins d’Etat, les défenseurs convaincus de l’environnement et ceux dont le credo écologique n’est pas leur premier souci. Dans une Flandre indépendante, ces différences mèneront souvent à des impasses. L’impuissance des pouvoirs publics du Nord à prendre une décision sur le Lange Wapper (projet d’achèvement du ring anversois) est un signe qui ne trompe pas.

Les mythes ont ceci de spécifique que, sans refléter la réalité, ils sont quand même aptes à induire une métamorphose de la réalité. Le mythe que la Flandre sera mieux gouvernée que la Wallonie et Bruxelles et que le territoire flamand restera intact aiguise chez beaucoup de Flamands le désir d’autodétermination, sans les Wallons et les Bruxellois. Les mythes ne sont pas innocents ; ils créent une dynamique susceptible de provoquer de grandes mutations.

Professeur d’économie internationale à la KU Leuven

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PAUL DE GRAUWE

Les mythes créent une dynamique susceptible de provoquer de grandes mutations

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