MPH, meneur d’hommes

Il fut le meilleur gardien belge de tous les temps. Il vient de conquérir ses galons d’entraîneur, en offrant le titre au Standard, qui attendait ça depuis vingt-cinq ans. Portrait d’un coach charismatique.

Michel Preud’homme ! Michel Preud’homme !  » scandait-on, dimanche soir, bras dessus, bras dessous, dans les tribunes de l’enfer de Sclessin. Une relation d’une rare intensité unit désormais le public rouche à  » son  » entraîneur. Bien sûr, les ingrédients qui ont permis ce  » Standard champion  » sont multiples : dirigeants au bras long et au portefeuille bien garni, centre de formation exemplaire (Académie Louis-Dreyfus), finances assainies, supporters enthousiastes et fidèles, staff technique performant (avec Manu Ferrera au poste d’entraîneur adjoint). N’empêche, Michel Preud’homme est la personne qui a fait prendre cette mayonnaise-là. Quoi de plus logique, donc, si les aficionados rouges et blancs lui vouent un culte ? Il y en a même, en Cité ardente, pour suggérer que la nouvelle gare soit baptisée Liège-Preud’homme, plutôt que Liège-Limburg ou Liège-Charlemagne…

Regard d’un bleu limpide et sourire enjôleur. Longue chevelure bouclée d’où il semble tirer sa force, à la manière de Samson, héros biblique. Au fil des ans, le  » look Preud’homme  » n’a pas changé. Certes, ses cheveux sont devenus plus épars et son visage s’est émacié. Mais le charisme, lui, n’est pas entamé. En la personne de  » MPH « , le Standard s’est trouvé un vrai meneur d’hommes, un coach au sens plein du terme, capable de fédérer un vestiaire – une donnée essentielle, en football. Soyons de bon compte : les Standardmen auraient déjà pu être champions l’année dernière.  » Je me souviens de leur déplacement à Bruges, en décembre 2006, raconte Alain Courtois, ancien président de l’Union belge. Ils étaient menés 1-4, avant de revenir à 4-4. Ce jour-là, tout était déjà dit. Un bon positionnement de l’équipe, des changements opportuns et de l’enthousiasme à revendre : voilà la formule magique de Preud’homme.  » Son équipe, il l’a véritablement façonnée. Lorsqu’il a confié à Steven Defour le brassard de capitaine, sa décision en a laissé plus d’un sceptique. La suite a prouvé sa clairvoyance : âgé de 20 ans à peine, Defour possède déjà les qualités d’un leader.

Preud’homme lui-même était encore élève à l’athénée de Seraing lorsqu’il a disputé son premier match en division 1, en 1977 (sous le maillot du Standard, déjà).  » Par rapport à la plupart des autres joueurs, il tranchait par son instruction, se souvient Lucien Levaux, ex-attaché de presse du Standard. Il n’avait même pas 18 ans : à sa place, beaucoup auraient délaissé l’école, mais, pour lui, il n’en était pas question.  » Même si Preud’homme a connu deux titres avec le Standard (en 1982 et 1983), c’est au KV Malines, puis au Benfica Lisbonne, que son talent a explosé. Dans ces deux clubs, les supporters conservent encore le souvenir d’un  » keeper  » à l’arsenal imparable : une souplesse de félin, une détente sublime et une impressionnante relance à la main.

A la manière du mythique gardien russe Lev Yachine, Michel Preud’homme a toujours su défendre ses filets en alliant la beauté du geste à l’efficacité. Probablement est-il le meilleur gardien belge de tous les temps – même si certains experts attribueraient plutôt le titre à Jean-Marie Pfaff. Dans le milieu du foot, on adore moquer le côté casse-cou des gardiens de but, réputés pas très malins. Pourtant, ces drôles d’oiseaux flanqués du numéro 1 font souvent de bons entraîneurs.  » Les gardiens doivent veiller au positionnement de leurs défenseurs, rappelle Robert Wasseige, qui a entraîné le Standard (et Preud’homme) de 1976 à 1979. Ils sont très tôt sensibilisés à la gestion d’un collectif. De plus, quand le gardien récupère le ballon, cela signifie souvent que l’adversaire se situe en nombre dans votre moitié de terrain. Vos joueurs ont donc de l’espace devant eux. Reste à savoir s’ils sont prêts pour déclencher une contre-attaque. Cela demande une réflexion tactique ultra-rapide de la part du gardien.  » Il y a deux semaines, Michel Preud’homme nous confiait son propre avis sur le sujet :  » Au poste de gardien, vous avez une vue globale du jeu. Cela a d’ailleurs été un gros changement pour moi quand je suis devenu entraîneur : ne plus regarder les matchs depuis la ligne de touche, mais depuis le banc. Au début, pour regarder mes joueurs, j’allais me placer derrière eux. « 

Le 4 avril dernier, juste avant le match contre Mouscron, Michel Preud’homme faisait le point devant une poignée de journalistes. Il apparaissait détendu, en sandales, un coca à la main.  » Je ne suis pas plus excité que d’habitude « , assurait-il. Ses gesticulations trahissaient pourtant sa nervosité. Il fallait le voir, incapable de tenir en place, se moucher bruyamment, taper sur la table, chipoter avec ses cheveux… Deux jours plus tard, sur le bord du terrain, la marmite explosa : il en vint presque aux mains avec Enzo Scifo, l’entraîneur de Mouscron. A la suite d’une phase litigieuse à Malines, la semaine précédente, il avait déjà pris à partie un juge de ligne :  » Attends, je vais t’en mettre, moi, de la pression !  » Michel Preud’homme vit le foot à 200 %. Son professionnalisme irréprochable et sa minutie extrême sont, depuis toujours, sa force et son talent d’Achille.  » Lors de la Coupe du Monde 1990, pendant que tous les Belges jouaient aux cartes au bord de la piscine, il restait seul dans sa chambre pour visionner des vidéos sur les futurs adversaires des Diables rouges, rapporte Etienne Delangre, ancien joueur du Standard. En fin de compte, son Mondial n’a pas été fantastique…  » Pour dompter le stress qui menace constamment de le dévorer, Preud’homme possède ses parades : le snuss, une sorte de tabac à mâcher suédois, et une multitude de superstitions.  » Si le Standard conquiert le titre, j’irai à pied jusqu’à Banneux « , a-t-il promis. Il y a pire, comme pèlerinage. l

François brabant

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