Mosquito : un anti-jeunes à éradiquer

Le répulsif anti-jeunes à ultrasons dérange. Certes, on devrait interdire cet appareil. Sans négliger le malaise qu’il révèle.

Quel insecte a piqué ces gérants de banques, ces commerçants et ces simples riverains ? Gênés par des groupes d’adolescents parfois chahuteurs, ils ont déployé une arme dissuasive : le Mosquito. Un boîtier muni d’un haut-parleur diffusant des ultrasons audibles uniquement par les moins de 25 ans (lire l’encadré). La fréquence émise fâche tant les jeunes oreilles que leurs propriétaires décampent en toute hâte.

Vendu à des milliers d’exemplaires en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Suisse et en Allemagne, sans que cela émeuve l’opinion publique, le Mosquito a plus de mal à conquérir la France, où il a été rebaptisé Beethoven. Idem en Belgique : le  » peuple le plus brave de la Gaule  » lui résiste avec une belle vigueur.

Dès le début du mois de mars, l’ASBL liégeoise Les Territoires de la mémoire a lancé une pétition (www.triangle rouge.be) qui a récolté, à ce jour, plus de 11 000 signatures. Quinze jours plus tard, les parents d’un gamin de 14 ans, qui avait souffert de céphalées inexpliquées, ont porté plainte pour  » coups et blessures volontaires « , contre une agence bancaire d’Aywaille. Le gérant de celle-ci s’était équipé d’un Mosquito pour dissuader les élèves de l’institut Don Bosco, situé juste en face, de s’asseoir sur les appuis de fenêtres de l’agence en attendant leur bus. Les médias se sont emparés de l’affaire et les politiques ont commencé à donner de la voix.

Fin mars, le ministre de la Jeunesse de la Communauté française, Marc Tarabella (PS), a demandé à la Commission européenne d’inscrire l’appareil sur la liste Rapex – celle-ci permet d’alerter les Etats membres sur la dangerosité d’un produit. Mais la Commission s’est déclarée incompétente, renvoyant la patate chaude aux 27. A Ixelles, l’échevin de la Jeunesse Bea Diallo (PS) a fait voter l’interdiction du Mosquito ; d’autres communes ont suivi le mouvement. Plus récemment, la députée fédérale germanophone Kattrin Jadin (MR), soutenue par l’Open VLD, a déposé une proposition de résolution invitant le gouvernement Leterme à prohiber l’utilisation du boîtier controversé. Si l’exécutif suit l’idée de Kattrin Jadin, la Belgique sera le premier pays à bannir l’appareil.

 » Comme une fourchette qu’on racle sur une assiette « 

En inventant le Mosquito, Howard Stapleton (40 ans), ingénieur électronicien du pays de Galles, n’imaginait pas qu’il allait susciter une polémique d’une telle ampleur. Désormais, Stapleton lui-même préconise d’encadrer l’utilisation de son joujou par une loi. C’est en janvier 2006 que ce père de quatre enfants a mis au point le Mosquito : sa fille était harcelée par un groupe de jeunes à la sortie d’un magasin. Pour établir la bonne fréquence, Stapleton n’a pas hésité à tester le Mosquito sur sa propre progéniture. Son fils Harry (8 ans) décrit très bien l’effet sonore :  » C’est comme une fourchette qu’on racle sur une assiette. » Depuis, l’inventeur a signé un contrat avec un fabricant d’alarmes de sécurité, qui a déjà développé une deuxième version du répulsif anti-jeunes. Les ventes se font essentiellement via Internet.

Qui sont les acheteurs ? Tant les autorités que des commerçants, des gérants de banques, des hôteliers, des cafetiers, des particuliers… En France, une entreprise spécialisée dans la sécurité pour les banques commercialise le Mosquito. Ses clients : des sociétés HLM et des riverains, en particulier dans la région nantie de  » Paca  » (Provence-Alpes-Côte d’Azur). Aux Pays-Bas, des municipalités ont installé l’appareil sur des bâtiments publics, comme à Utrecht où la majorité locale est de gauche. Idem en Grande-Bretagne, où même la police utilise le Mosquito.

Ses adeptes soutiennent que le Mosquito a entraîné une baisse de la délinquance. Ses opposants rétorquent que cette méthode ne fait que déplacer le problème, comme pour tous les phénomènes Nimby ( Not in my backyard : pas dans mon jardin). Mais l’emploi du Mosquito est inacceptable, notamment parce qu’ il cible une classe d’âge indépendamment de son comportement. Certains rassemblements de jeunes peuvent s’avérer très gênants, dans certains lieux, à des heures où la plupart des gens dorment. Il ne faut pas nier cette  » nuisance « . Mais on devrait pouvoir imaginer d’autres solutions, et notamment commencer tout simplement par dialoguer. Et, dans les quartiers où le dialogue n’est plus possible, l’autorité publique doit prendre le relais. Car il y a déjà assez de moustiques comme ça…

Thierry Denoël

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