Mosquées : le baromètre moral

Ces fidèles âgés û un ancien mineur et un infirmier û ont la nostalgie de la sérénité qui régnait dans la première mosquée de Charleroi, installée à l’étage désaffecté d’une école catholique, avec le soutien de la Ville.  » Après la prière, on y passait des heures à discuter, pour le plaisir d’être ensemble et d’échanger nos expériences, se rappelle l’infirmier, Mohamed Es-Shim. Comme dans le Maroc que j’ai connu, personne ne faisait de diffé- rence entre ceux qui allaient au café û Mai 68 était passé par là û et ceux qui se rendaient à la mosquée. Il y avait de la tolérance et les rapports sociaux n’étaient pas aussi tendus que maintenant. Aujourd’hui, on aurait peur de se rendre dans un lieu de culte, de crainte, en parlant avec X ou Y, d’être pris dans un traquenard. Les rivalités pour le pouvoir et l’argent ont gâté l’atmosphère de ces lieux de prière, qui étaient un havre de paix pour les immigrés. Jamais on n’y aurait entendu un discours sur la supériorité des musulmans… Aujourd’hui, on fait la grosse tête aux jeunes.  » Propos inquiets, désabusés. Les années 1970 paraissent bien loin, quand un opposant au régime marocain, laïque, délégué syndical et engagé politiquement donnait la main aux  » piliers de mosquée  » pour les aider à se transformer en ASBL.  » Depuis le 11 septembre 2001, soupire l’ancien mineur, beaucoup de choses ont changé. L’islam a été diabolisé…  » Et l’impuissance de l’Exécutif des musulmans de Belgique à encadrer l’exercice cultuel de la religion, quand il ne prend pas ombrage des initiatives locales û comme la création d’un cimetière musulman à Gilly û est ressentie durement par ces Marocains impliqués dans la vie associative du Pays noir. Que faire ? Comment organiser une religion qui n’a pas de tradition cléricale ?  » Que l’Etat ou les communes mettent les lieux de culte à la disposition des fidèles et contrôlent sérieusement les professeurs de religion !  » lance l’un d’eux.  » C’était à l’Exécutif de prendre ses responsabilités… « , regrette l’autre, mortifié.

D’un coup, d’un seul, Mohamed El Baroudi, 68 ans, figure  » historique  » de l’immigration marocaine à Bruxelles, invite à prendre de la hauteur. Pour cet ancien journaliste progressiste, compagnon de route de Mohamed Youssoufi, ancien Premier ministre marocain, les autorités ont eu le tort de ne pas impliquer l’élite musulmane locale dans l’organisation du culte. Celle-ci a été laissée, jusqu’en 1999, aux mains des ambassades ou, pis, de l’Arabie saoudite û héritière d’une tradition juridique, le hanbalisme, très éloignée du rite malékite en vigueur au Maroc.  » A la différence des Pays-Bas, la Belgique n’a pas offert aux musulmans l’opportunité de se former à la religion et à la pédagogie, remarque-t-il. La section d’islamologie de l’université de Leyde possède une des bibliothèques les plus riches du monde en textes arabes et non arabes. La qualité de sa formation permet le développement d’études islamiques poussées, qui sont une référence pour les autorités hollandaises et permettent une vraie vie intellectuelle musulmane.  » Une piste à suivre ?

M.-C.R.

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