Mondialisation : mère de toutes les frustrations

Dans son dernier livre, l’économiste montre comment la révolution des échanges crée, dans les pays pauvres et en Europe, des attentes non satisfaites. Entretien.

L’Occident n’a pas besoin du tiers-monde, disait déjà le grand historien Paul Bairoch. Aujourd’hui, c’est l’économiste Daniel Cohen qui affirme :  » Les pays pauvres ne souffrent pas d’être exploités, mais d’être exclus.  » Entre les tenants de la  » mondialisation heureuse « , selon l’expression d’Alain Minc, pour lesquels c’est le bienfaisant marché qui nous conduira au meilleur des mondes possibles, et les anticapitalistes à tous crins, nostalgiques d’un système totalitaire qui a fait les preuves de son échec, le besoin d’une analyse dépouillée d’arrière-pensées politiques sur la mondialisation dans laquelle nous a plongés la révolution des communications se faisait sentir. Auteur déjà d’un remarquable ouvrage, Richesse du monde, pauvreté des nations, Daniel Cohen vient aujourd’hui combler cette lacune avec La Mondialisation et ses ennemis * (Grasset), à sa manière très personnelle, concise et toujours ancrée dans l’Histoire. Pourquoi, s’interroge-t-il ainsi, comparant notre mondialisation à la conquête espagnole qui en fut après tout le premier épisode, en 1533, dans la bataille qui opposa Pizarro à l’empereur inca Atahualpa, 168 hommes l’ont-ils emporté contre 80 000 ? De même, avec un éclairage original sur l’esprit du colonialisme contribue-t-il à lever un coin du voile sur la grande question : pourquoi les pauvres sont pauvres ?… Découvrons donc, avec lui, comment la

E Vous dites que les ennemis de la mondialisation se trompent de combat ?

En effet, que ce soient les mollahs qui rejettent les valeurs occidentales, ou bien les ennemis du capitalisme, pour qui la mondialisation est l’extension au niveau planétaire de la lutte des classes, les ennemis de la mondialisation se trompent en pensant qu’elle impose aux peuples un modèle que ceux-ci récusent. C’est, en réalité, le contraire qui se passe : la mondialisation crée une attente, celle d’une prospérité partagée. Le drame est qu’elle se révèle totalement incapable de la réaliser.

E Selon vous, la mondialisation ne serait donc pas une exploitation des pays du Sud par ceux du Nord ?

Non, dire que la pauvreté des pays pauvres serait la condition nécessaire de la richesse des pays riches est une erreur fondamentale. Les Africains qui vivent dans leurs campagnes, coupés de tout, avec moins de un de nos euros par jour pour vivre ne sont pas exploités, ils sont ignorés. Ils travaillent dur pour se nourrir eux-mêmes et non pas pour  » nous  » nourrir. L’erreur de raisonnement vient d’une théorie dite de l’échange inégal développée dans les années 1960. On expliquait alors que les pays pauvres s’appauvrissaient parce que le prix auquel ils vendaient leurs marchandises baissait inexorablement par rapport à celui des marchandises fabriquées par les pays riches. Mais cette thèse était erronée, car elle reposait sur des chiffres faux : certes, le prix de vente des marchandises des pays pauvres a baissé entre 1850 et 1950, mais c’était à cause de la chute des coûts du transport, pas du tout parce que les fournisseurs gagnaient moins.

E Mais pourquoi la mondialisation ne les a-t-elle pas intégrés ?

Cela tient à un paradoxe fondamental. La mondialisation est portée, dès le xvie siècle, par une formidable réduction des coûts de transport et de communication. Or, toute l’Histoire enseigne que la baisse du coût de la distance ne s’associe jamais à une diffusion de la prospérité, mais bien davantage à une polarisation de celle-ci. C’est ce qui s’est passé au xixe siècle avec l’arrivée du chemin de fer, qui a contribué à vider les bourgs et les hameaux au bénéfice des villes de taille moyenne ou grande. Car le commerce des grandes villes profite d’économies d’échelle qui lui permettent de dominer les plus petites. En multipliant les moyens techniques de faire communiquer entre eux des points éloignés de la planète, on crée une concentration beaucoup plus qu’une dispersion de la richesse et de l’activité économique.

E Vous dites que c’est la même chose avec Internet.

Oui, et un exemple, télévisuel, fera comprendre ce qui est en jeu à l’heure actuelle. Le câble permet une diversité de programmes fabuleuse. Pourtant, si l’on regarde les parts d’audience en France, on constate que les cinq chaînes principales raflent à peu près tout. Tout simplement parce que, lorsque la technique abaisse les barrières à l’entrée de nouveaux acteurs û audiovisuels dans cet exemple û les forces du marché tendent à les restaurer. Aujourd’hui, une petite chaîne peut techniquement montrer tout ce qu’elle voudra, mais, financièrement, elle ne pourra disposer de programmes de qualité ou des grands événements comme la Coupe du monde que les spectateurs attendent. De même, si Hollywood produit des films de plus en plus coûteux, multiplie les effets spéciaux, etc., c’est tout simplement pour chasser ses concurrents. Ce schéma, ce modèle économique, c’est celui de la nouvelle économie monde, qui rejette les pays en voie de développement à la périphérie du système productif. Nous restaurons toutes sortes de barrières à l’entrée, comme les marques ou les technologies, qui empêchent les pays en voie de développement de commercialiser facilement leur propre production. La mondialisation se construit sur un jeu paradoxal dans lequel, techniquement, tout est possible et où, financièrement, rien ne le devient.

E Pourtant, le coût de leur main-d’£uvre devrait permettre aux pays en voie de développement de jouer leur carte dans la division internationale du travail ?

Décomposons le prix d’une paire de baskets Nike, et vous verrez que ce n’est pas si simple ! Sur les 70 A payés par le consommateur final, celui ou celle qui la fabrique en touche 3, qui ne sont en fait qu’une part des 15 A du coût total de fabrication (cuir, machines, etc.), car les matières premières coûtent beaucoup plus cher que le travail lui-même. Si l’on compte le coût de transport, arrivée à Los Angeles, la paire de baskets aura coûté à peu près 16 ou 17 A à Nike, qui, à partir de là, va engager un travail de promotion, avec stars et affichages à l’appui, pour socialiser ce produit physique : pour cela, l’entreprise va redépenser 16 ou 17 A, et au total, la paire de chaussures lui aura coûté environ 35 A. Les 35 A qui restent sur les 70 du prix de vente final seront entièrement absorbés par les coûts de commercialisation au sens strict du terme, c’est-à-dire ceux qui sont nécessaires pour mettre la paire de baskets dans un magasin, puis au pied du consommateur (location de boutiques, etc.). Tout cela constitue une excellente métaphore de la mondialisation : la valeur ne réside pas du tout dans le segment où sont présents les pays en voie de développement, c’est-à-dire la fabrication, mais dans les deux autres pôles que sont la conception des biens et leur prescription aux consommateurs, deux tâches dont ils sont totalement exclus.

E Mais la première mondialisation, celle qu’accompagnait la colonisation, était bien, elle, bâtie sur l’exploitation ?

Effectivement, on a longtemps pensé que la colonisation était le moyen pour le colonisateur de s’approprier les matières premières des pays pauvres et d’avoir une main-d’£uvre à bon marché. Or, c’était une idée fausse, car les pays riches tels que la Grande-Bretagne ont été très longtemps exportateurs des principales matières premières dont ils avaient besoin. L’autre idée était que tout pays producteur de matières premières avait vocation à s’appauvrir par rapport à celui qui fabriquait les produits industriels. Cette théorie n’explique rien non plus. De grands pays agricoles comme la Nouvelle-Zélande ou l’Australie ont prospéré. L’Australie exportait de la laine et l’Egypte, du coton : l’un s’est enrichi, l’autre s’est appauvri. Cela ne tenait donc pas à une question de matières premières.

E Pourquoi alors en Inde, pays  » textile « , l’industrialisation n’a-t-elle pas pris ?

Au début du xixe siècle, l’ouverture des frontières entre l’Inde et la Grande-Bretagne a éradiqué l’artisanat indien, pour des raisons faciles à comprendre : l’ouvrier anglais coûtait aussi cher que l’ouvrier indien, mais était beaucoup mieux équipé que celui-ci. Un siècle plus tard, pourtant, les choses auraient dû changer. L’ouvrier anglais est devenu six fois plus cher que l’Indien et ce dernier pouvait profiter, grâce au Commonwealth, des mêmes machines que l’Anglais. Pourtant, l’industrialisation indienne échoue. Les documents de l’époque nous apprennent que la productivité d’un travailleur indien reste beaucoup plus basse que celle du Britannique. Les Indiens refusent, en effet, de s’aligner sur les cadences anglaises. Là où un ouvrier anglais actionne six métiers à tisser, l’ouvrier indien n’en actionne qu’un. Parce qu’ils ne voulaient pas travailler, diront les racistes. Pourtant, lorsque ces mêmes ouvriers indiens émigrent en Nouvelle-Angleterre, ils ont exactement la même productivité que les immigrés britanniques, polonais ou ukrainiens. Cela montre bien que la capacité intrinsèque de la personne n’est pas en cause, mais plutôt les conditions sociales dans lesquelles on la fait travailler.

En réalité, en Inde, au début du xxe ou en 1938 lors des grandes grèves de Bombay, les ouvriers indiens ont refusé d’intensifier leur travail sans être augmentés. Henry Ford, lui, à la même époque, a compris que pour être productif le capitalisme doit offrir un contrat de travail  » incitatif  » : cadence élevée contre salaire important. Recevoir une forme d’assentiment de la classe ouvrière est indispensable pour que le capitalisme fonctionne. Les managers souvent étrangers qui s’emploient à industrialiser l’Inde au xixe siècle sont incapables de s’en apercevoir. Albert Memmi, dans Portrait du colonisé, peut-être le livre le plus beau écrit sur la colonisation, explique comment le colonisateur, se sentant en réalité fondamentalement inutile, a besoin de ressourcer constamment sa légitimité. Il n’y parvient qu’en diminuant par tous les moyens l’existence du colonisé, et se trouve donc incapable de considérer comme légitimes les revendications de celui-ci. L’esprit du colonialisme ne prépare pas celui du capitalisme.

E Cet esprit a-t-il survécu à l’indépendance ?

C’est en effet le problème : elle a fait naître une immense espérance dans les pays pauvres. Mais elle a été déçue. D’abord, parce que les élites, en restant dans l’idée d’un développement économique planifié, imposé par le haut, ont commis les mêmes erreurs que les colonisateurs. On décidait à sa place ce qui était bon pour le peuple, sans jamais s’appuyer ni sur une véritable analyse des besoins ni sur les personnes elles-mêmes pour essayer de susciter leur adhésion.

E Serait-il trop tard aujourd’hui pour entrer dans le jeu ?

C’est non pas impossible, mais très difficile, car il faut des efforts sur trois fronts à la fois. La plupart des pays au moment de leur indépendance ont pensé qu’il suffisait de régler le problème du capital. Cela n’a évidemment pas suffi. On a assisté à une avalanche de projets pharaoniques qui, bien entendu, ont tous échoué. D’autres, comme Cuba ou l’Etat du Kerala, en Inde, ont fait un immense effort éducatif, pensant que le développement était juste une question d’éducation. Cela n’a pas suffi non plus. Car il faut du capital et de l’éducation, mais aussi des marchés et des institutions qui fonctionnent bien. Il faut donc avancer trois pions à la fois et cela demande beaucoup d’efforts, c’est souvent décourageant.

E L’Asie n’y est-elle pas parvenue ?

Peut-être en Asie, en s’inspirant du modèle japonais, est-on en train d’y parvenir, et comme elle représente tout de même 60 % de la planète, c’est encourageant. Le cas japonais est d’ailleurs extraordinaire : le groupe des pays riches de la fin du xxe est exactement le même que celui du début, à deux exceptions près : le Japon, seul pays pauvre devenu riche, et l’Argentine, seul riche devenu pauvre. Le Japon a su utiliser tous les leviers pour créer un équilibre social capable de créer ses propres conditions internes de développement. Il a donc joué à la fois sur l’éducation û l’éducation primaire pour tous y est acquise dès le début du xxe siècle û sur une épargne considérable comme aujourd’hui partout en Asie (40 % en Chine pour 15 % en Afrique), et, enfin, a assuré l’efficacité globale par le choix, dès le départ, d’une croissance fondée sur les exportations. Ce choix lui a permis de, sans cesse, faire valider ses choix de politique industrielle par le marché mondial ; à la différence, par exemple de l’ex-URSS, dont les échecs industriels ne seront jamais sanctionnés par un mécanisme régulateur. Or, l’exportation ne rapporte pas que des devises, elle fournit aussi une espèce de benchmarking, d’arbitrage sur la qualité des produits. Et, pour le Japon, cela a fonctionné.

E Et encouragé les voisins ?

Oui, le modèle japonais s’est diffusé à l’ensemble de l’Asie û les dragons puis la Chine et l’Inde û et a évité à la fois la voie protectionniste, qui a échoué au xxe siècle, et la voie inverse, naïve, qui croit qu’il suffit d’être dans le capitalisme mondial pour prospérer, qui a également échoué. En fait, l’Asie a découvert une voie médiane faite d’accumulation interne et d’inscription dans le marché mondial.

E Comment réussir à inclure les pays pauvres ?

Les moyens de communication modernes n’y suffisent pas. Aujourd’hui, la production fonctionne toujours sur un modèle centre-périphérie qui tend sans cesse à externaliser les tâches les moins intéressantes vers les pays en voie de développement. Le fait que les centraux téléphoniques des Philippines soient mis au service du consommateur américain n’est pas du tout la promesse d’un enrichissement pour les Philippins, qui sont sans cesse rejetés vers des tâches secondaires. Pour s’enrichir, les pays pauvres doivent à leur tour devenir des centres de conception et de consommation.

E Aujourd’hui, médias obligent, ils ont sans cesse sous les yeux le spectacle de la prospérité. Quelles en sont les conséquences ?

Nous sommes dans un monde où les images de la prospérité sont diffusées beaucoup plus sûrement que cette prospérité elle-même. Ce monde paradoxal chasse les pauvres du c£ur du système, mais leur montre sans cesse les images de sa richesse. Cela, évidemment, entraîne l’émulation, mais peut aussi créer des frustrations, et peut donc être le ferment d’une menace pour les pays riches. Mais, surtout, ces images de notre style de vie ont une influence considérable sur la façon dont les pays pauvres se représentent leur propre existence. Cela change profondément leurs normes de références. Il suffit de voir ce qui se passe avec la transition démographique, ce processus qui accompagne le développement économique et selon lequel on passe progressivement d’un régime où l’on a beaucoup d’enfants à un régime où l’on en a peu.

E Que s’est-il passé, sur ce plan, pour les pays les plus pauvres ?

Chez eux, cette transition ne s’est pas produite. Leur population a explosé û l’Egypte est passée de 13 millions d’habitants au début du xxe siècle à 70 millions et on va vers 100 millions ! En 2050, la planète devrait passer à 9 milliards d’habitants et 90 % de cette augmentation viendra des régions les plus pauvres du monde. Cette question démographique, la seule d’ailleurs qui comptait pour les auteurs classiques, Malthus et Ricardo, est capitale. Pour les économistes de tout bord, la transition démographique est un enchaînement vertueux dans lequel la prospérité crée pour les femmes des opportunités de participation au marché du travail ; elles ont alors moins d’enfants, et ceux-ci sont ensuite mieux scolarisés. Or, aujourd’hui, la prospérité n’est pas là et, pourtant, la transition démographique est en marche dans l’ensemble des pays pauvres de la planète ; en moyenne, le nombre d’enfants par femme est en baisse. Mis à part l’exception, majeure, de l’Afrique, on en est à une moyenne de 3 enfants par femme. L’Egypte est passée de 7 enfants par femme dans les années 1950 à 3, l’Indonésie est à 2,6, etc. Autrement dit, nous sommes en train d’assister à une transition absolument phénoménale qui contredit toutes les théories.

E Si cette transition ne s’explique pas par l’arrivée de la prospérité, à quoi est-elle due ?

En effet, elle ne s’explique pas par des raisons économiques, puisqu’on l’observe partout, dans les campagnes comme dans les villes, que les femmes soient scolarisées ou pas et qu’elles travaillent ou non. Eh bien, si une paysanne a les mêmes réactions qu’une femme éduquée qui travaille à la ville, c’est apparemment à cause de la télévision ! Cette diffusion des images a totalement bouleversé les modèles de référence des femmes du tiers-monde. On peut y voir la preuve de l’impérialisme culturel de Hollywood qui impose ses schémas, mais je pense plutôt qu’en réalité les femmes ont vu dans ces images une idée de la liberté qui les a séduites et les a aidées. Il suffit de voir le succès de Shirin Ebadi, lauréate du prix Nobel de la paix, pour comprendre qu’une nouvelle image de la femme est en train de balayer la vision patriarcale de ces sociétés.

E Peut-être cela poussera-t-il les opinions publiques des pays pauvres à prendre leur sort en main ?

Est-ce une bonne nouvelle pour la marche du monde vers la démocratie ? Très franchement, je n’en sais rien. Nous sommes assis sur une frustration fondamentale. La mondialisation modifie les attentes des gens, mais ne leur donne pas les capacités de les satisfaire. Cela exige d’inverser l’équation sur laquelle s’appuient les ennemis du capitalisme et les mollahs. A l’encontre des premiers, il faut expliquer que la mondialisation reste une attente et non pas une réalité ; les plus pauvres se révoltent moins contre l’exploitation par le capitalisme que contre le fait que le capitalisme les ignore ! Et, contrairement à ce que disent les tenants de la guerre des religions, on peut affirmer qu’aucune civilisation n’est éternelle, ni imperméable à ce qui passe à ses côtés. Toute l’Histoire est au contraire l’histoire d’une interpellation par ce qui se passe ailleurs.

E L’antimondialisme est souvent assimilé à l’antiaméricanisme. L’empire américain est-il voué au même sort que l’Empire romain ?

En réalité, sa logique est différente de celle des empires traditionnels, qui reposaient sur l’exploitation des ressources de leurs provinces. Au contraire, le moteur de la croissance américaine réside dans sa propre capacité d’innovation. L’Amérique est en train, progressivement, d’acquérir le monopole de la production du savoir et c’est beaucoup plus grave qu’une logique impériale classique. C’est grave pour l’Europe et pour le monde, parce qu’une mondialisation ne peut pas être heureuse lorsque les pays ne sont que dans une logique d’imitation de ce qui est pensé, conçu ailleurs. Les révolutions industrielles du passé, celles qui ont donné la machine à vapeur, l’électricité, la chimie, etc., ont été le fait de plusieurs nations, la Grande-Bretagne, la Belgique, la France, l’Allemagne. Aujourd’hui, l’essentiel est conçu dans un seul territoire. En gros, deux grandes agglomérations, celles de Boston et de San Francisco, vont acquérir progressivement le monopole du savoir ; les chercheurs du monde entier s’y rendront puis diffuseront leurs techniques à l’ensemble de la planète.

E Est-ce dangereux ?

Dans l’animosité actuelle de l’Europe envers les Etats-Unis, s’exprime la frustration d’une région qui profite du progrès technique, mais ne le conçoit plus. Ainsi derrière le rejet de la mondialisation s’agrège toute une série d’anxiétés de nature différente. Pour les pays pauvres, celle de ne pas avoir accès à la prospérité matérielle et, pour l’Europe, celle de ne pas participer à la conception des savoirs nouveaux qui conditionnent cette prospérité. Cette hétérogénéité se reflète à travers l’extraordinaire diversité de ceux qui rejettent la mondialisation. l

Entretien : Sabine Delanglade

ôLà où un ouvrier anglais actionne six métiers à tisser, l’ouvrier indien n’en actionne qu’un »

ôCe monde chasse les pauvres du c£ur du système, mais leur montre sans cesse les images de sa richesse »

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