Miracle sous le cèdre

Marianne Payot Journaliste

Le Libanais Alexandre Najjar consacre à son pays, si fragile et si fécond, un Dictionnaire amoureux. Où la littérature se taille une place de choix.

Amis du Liban, réjouissez-vous ! Quant aux autres, il leur suffira de jeter un coup d’oeil à l’avant-propos du Dictionnaire amoureux du Liban pour être  » retournés « .  » A l’heure où le pays du Cèdre subit de nouvelles secousses, écrit son auteur, Alexandre Najjar, il tombe à point nommé pour rappeler au lecteur ce qui fonde le Liban et justifie l’importance de cette nation composée de quatre millions d’habitants confinés dans un espace aussi restreint que la Gironde ou les Abruzzes.  »  » Le Liban est un miracle permanent : on se demande […] comment ses habitants parviennent à […] reconstruire le matin ce que la violence a détruit la veille, et si l’équation d’une cohabitation harmonieuse entre 18 communautés religieuses aux allégeances et aux idées incompatibles est toujours possible… « , poursuit Alexandre Najjar, qui n’est pas avocat pour rien.

Né en 1967 à Beyrouth, diplômé de la Sorbonne, ce directeur d’un important cabinet juridique de la capitale libanaise est aussi et surtout un écrivain protéiforme (poète, biographe, romancier) et un agitateur culturel à l’énergie impressionnante. Défenseur infatigable de la francophonie, ce quadragénaire aux allures d’éternel jeune homme a notamment relancé L’Orient littéraire, supplément du quotidien L’Orient-Le Jour, contribué au projet de reconstruction de la Bibliothèque nationale du Liban, et aide depuis des lustres des écrivains à se faire publier par l’entremise de sa fondation, tout en participant activement au Salon du livre francophone de Beyrouth, qui a fêté cette année, contre vents et marées, sa 21e édition.

Najjar est un combattant, certes, mais il n’a rien d’un suicidaire. Aussi a-t-il soigneusement évité de consacrer des entrées de son Dictionnaire amoureux aux politiques, sources, rappelle-t-il, de polémiques et principaux responsables des maux et de l’anarchie de son pays. En revanche, auteurs et poètes tiennent le haut du pavé. Gibran Khalil Gibran, bien sûr, et aussi Maroun Abboud, Vénus Khoury-Ghata, Nadia Tuéni, Amin Maalouf, Ziad Rabhani, Salah Stétié, Michel Chiha, Georges Schehadé, Saïd Akl –  » et ses diamants qu’on ne saurait tailler sans en altérer la pureté « . Sans oublier les amis du pays du Cèdre, comme Maurice Barrès, Pierre Benoit, Henry Bordeaux, Gustave Flaubert, Mahmoud Darwich, ou encore Jorge Amado…

Trois bises, un casino et des coiffeurs volubiles

De Beyrouth à Byblos ( » la nourrice de la culture « ), d’Akkar à Tyr (qui résista sept mois à Alexandre le Grand, en 332 avant Jésus-Christ, avant de succomber à la suite de la trahison de Carthage), de Baalbek à Deir el-Qamar (la ville de ses ancêtres), Najjar nous dévoile, avec des airs de Fairouz en fond sonore, les beautés et secrets d’un pays où 17 civilisations se succédèrent. On savourera aussi les entrées plus personnelles, consacrées aux bises (qui vont toujours par trois), au Bonjus (la boisson du pauvre), à la poétique des camions, au Casino ( » notre Las Vegas à nous ! « ), à la circulation (démente), aux coiffeurs (volubiles), aux jésuites (dont il est un ancien élève), à l’énigmatique Kim Philby, aux otages…

Humaniste avant tout, l’auteur du Roman de Beyrouth et de Kadicha livre ici son coeur et sa culture. Et espère secrètement que ses lecteurs feront leur cette assertion de Gibran Khalil Gibran :  » Si le Liban n’était pas mon pays, je l’aurais choisi pour pays.  »

Dictionnaire amoureux du Liban, par Alexandre Najjar. Plon, 864 p.

Marianne Payot

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