Mères porteuses : prudence

L’épilogue provisoire de l' » affaire Donna  » – le bébé restera aux Pays-Bas – coïncide avec le début de l’examen de cinq propositions de loi et du projet gouvernemental visant à baliser la pratique de la gestation pour autrui

Les tribulations judiciaires du bébé Donna, 9 mois, sont terminées. Enfin, provisoirement. A sa naissance, sa  » mère porteuse « , An, une Flamande déjà mère de trois enfants, l’avait donnée à un couple hollandais (contre 15 000 euros de  » dédommagement  » pour la grossesse), alors qu’elle avait d’abord promis l’enfant à un couple limbourgeois (pour 8 000 ou 10 000 euros). Récemment, le tribunal d’Utrecht a refusé de déchoir les parents biologiques de leur autorité parentale. Mais il a reconnu l’existence de la  » vie de famille  » de Donna. L’enfant pourra dès lors rester aux Pays-Bas, puisque la mère porteuse et le père putatif, son mari, ne la revendiquent pas. L’inverse d’un jugement de Salomon. En revanche, seule une analyse ADN permettra d’établir qui est le père biologique de l’enfant : le mari de la mère porteuse ou le donneur de sperme du couple limbourgeois floué ?

Cette bataille autour d’un bébé avait d’abord commencé par une transaction autour d’un ventre à louer, via Internet. Pour de l’argent ? Le parquet d’Audenarde a jugé qu’il y avait assez d’indices de trafic d’être humain pour ouvrir une information judiciaire. Néanmoins, le refus d’An d’honorer son  » contrat « , en faisant croire à une fausse couche, et sa recherche frénétique de nouveaux parents (d’abord un couple d’homosexuels, puis les Néerlandais), laissent entrevoir d’autres motivations, plus complexes. Le  » don  » d’un enfant appelle une énorme compensation tant la perte est violente pour la femme qui l’a porté. Mais l’argent ne permet pas de tout régler. Du reste, les sommes en jeu sont généralement modestes : de l’ordre d’une petite voiture.

Le cas de Donna est à peine caricatural. Peu d’applications des techniques de procréation médicalement assistée (PMA) suscitent autant de gêne que la gestation pour autrui. Celle- ci relève d’ailleurs davantage du domaine de l’adoption que du traitement de l’infertilité, sauf lorsque la médecine est sollicitée pour implanter le sperme ou les ovocytes d’un(e) donneur(se). La situation est d’emblée lourde de conflits potentiels. Elle nie la relation qui s’établit in utero entre une mère et son enfant et sous-estime l’impact de cette grossesse mercenaire ou altruiste sur le reste de la fratrie et le compagnon. Autre souci : la mère porteuse souhaitera peut-être  » rester dans la vie  » de l’enfant, alors que ses nouveaux parents auraient surtout envie qu’elle s’efface. Bien qu’il soit interdit de passer un contrat sur la tête d’un être humain, des conseils juridiques peuvent être donnés aux parties qui s’arrangent entre elles, sans passer par un centre de procréation assistée. Mais les risques encourus restent importants. Un projet et cinq propositions de loi ont vu le jour à la suite de l' » affaire Donna « . Le projet de loi porté par la ministre de la Justice Laurette Onkelinx (PS) et le ministre de la Santé Rudy Demotte (PS) tend à encadrer la gestation pour autrui sans renoncer au principe angulaire de la filiation : mater certa est (la mère est toujours certaine).  » Pas question d’accorder ce statut biologique à la mère commanditaire, même si elle a fourni les ovocytes, explique le Pr Yvon Englert (ULB), expert au cabinet de Rudy Demotte. En revanche, une procédure inspirée de celle de l’adoption authentifierait, à la naissance, le renoncement de la mère porteuse à son enfant et confierait le nouveau-né à sa nouvelle famille. Cet engagement moral serait pris en amont de la fécondation, pour bien éclairer les parties, mais la mère porteuse pourrait y renoncer à la naissance et garder l’enfant, comme dans n’importe quelle procédure de remise d’un enfant à l’adoption. Elle devrait être couverte par une assurance-vie, pour protéger les siens en cas d’accident, et la famille adoptante ne pourrait pas refuser de prendre l’enfant à la naissance en cas de malformation, par exemple. Enfin, une indication médicale restera nécessaire pour recourir à cette pratique. La force du projet est de prévoir un accompagnement de façon à tenter de prévenir au maximum les conflits « . Médecine-fiction ? Une centaine de maternités de substitution se déroulent, chaque année, à l’hôpital Erasme (Bruxelles) et à l’hôpital de la Citadelle (Liège).

Marie-Cécile Royen

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