Dans le circuit " récréatif ", les NSP prolifèrent depuis une quinzaine d'années comme alternative bon marché aux drogues classiques telles que l'héroïne, le cannabis, l'ecstasy et les amphétamines. Souvent, ces NSP sont vendues sous couvert de legal highs, autrement dit de drogues légales. © GETTY

Médicaments illégaux : un marché juteux !

Méfiez-vous des médicaments contrefaits, des médicaments non-autorisés et des legal highs (euphorisants légaux). Ils sont potentiellement dangereux, voire mortels, les vendeurs mafieux ne visant que leur profit.

Dans son rapport de mars 2020, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) dénonce les dégâts occasionnés par la mafia des faux médicaments. D’après les chiffres de l’Organisation mondiale de la Santé qu’il reprend, 72.000 à 169.000 enfants meurent chaque année d’une infection pulmonaire à cause de médicaments contrefaits ; et 116.000 décès sont dus aux faux médicaments contre la malaria.

Les médicaments contrefaits ne contiennent pas ou trop peu de principe actif, et sont dans le meilleur des cas  » allongés  » avec du sucre. Mais ils peuvent aussi contenir un composant actif totalement différent de celui mentionné ! C’est ainsi qu’en Amérique, des personnes sont mortes d’avoir pris des médicaments qui ne contiennent pas l’analgésique demandé, mais du fentanyl (ou dérivés) ou d’autres opioïdes, des analgésiques beaucoup plus puissants qui, à dose élevée, peuvent rapidement provoquer un coma. Dans le circuit illégal circulent en outre des médicaments non-autorisés : c’est ainsi qu’en 2013 et 2015, des jeunes femmes britanniques sont décédées après la prise de pilules amaigrissantes contenant du DNP (2,4-dinitrophénol), médicaments qui avaient pourtant disparu du marché légal durant la première moitié du XXe siècle en raison de leurs effets indésirables.

Tendances frauduleuses

Le commerce des médicaments contrefaits ou non-autorisés représente au niveau mondial un marché juteux, d’une valeur totale (en 2016) de quelque 4,4 milliards $. Le rapport de l’EUIPO (basé sur les saisies de 2014 à 2016) révèle que les saisies concernent surtout de faux antibiotiques, ensuite des produits de bien-être dont les traitements contre les troubles de l’érection ou de la libido, et des antidouleurs. Mais on rencontre aussi des médicaments frauduleux contre la malaria, le diabète, les maladies cardiovasculaires, l’allergie et l’hypertension. La Chine et l’Inde en sont les principaux producteurs, et les Émirats arabes unis, Singapour et Hongkong les principales plaques tournantes en direction de l’Afrique, de l’Europe et des États-Unis.

Médicaments illégaux : un marché juteux !

Les produits frauduleux sont surtout vendus en ligne et (re)conditionnés dans les zones de transit afin de camoufler leur véritable origine. L’interception de ces colis illégaux demeure donc un défi permanent pour les autorités. Ainsi en est-il de l’opération PANGEA, menée simultanément depuis 2008 par les autorités de près de 100 pays, sous la direction d’Interpol. L’Agence fédérale belge des médicaments et des produits de santé (AFMPS) y participe en collaboration avec la douane belge.

Opération PANGEA

 » Lors de la 13e édition de l’opération PANGEA, du 3 au 10 mars 2020, la douane belge a mené 8974 contrôles « , explique Ann Eeckhout, porte-parole de l’AFMPS.  » 610 colis postaux ont été soumis à un contrôle de l’Unité spéciale d’enquête de l’AFMPS. 203 ont été saisis, contenant 23.563 comprimés et autres, pour un montant total estimé à 22.828 $. Pour la première fois, on y a trouvé des comprimés illégaux de chloroquine, substance anti-malaria, et dérivés. Lors des contrôles des 24 et 25 mars, l’AFMPS a encore confisqué 99 colis, dont un cinquième concernait des substances anti-malaria et antivirales. Cette tendance est probablement à mettre en lien avec la quête de remèdes permettant de lutter soi-même contre le coronavirus.  »

Les criminels ont en effet profité de la pandémie du coronavirus pour se remplir les poches rapidement, comme le confirme Interpol. Les pays participant à PANGEA XIII ont recensé 2000 liens internet vers des moyens douteux pour lutter contre le COVID-19 : masques de contrefaçon ou de faible qualité,  » sprays corona « ,  » médicaments corona… « .  » Les nombreux colis interceptés chaque année prouvent que beaucoup de gens achètent des médicaments et des produits de santé en dehors du circuit légal. Donc sans garanties de sécurité, de qualité et d’efficacité.  »

Drogues  » légales  » ?

Outre des médicaments douteux, les trafiquants vendent parfois aussi de nouvelles substances psychoactives, des NSP.  » Ce ne sont en aucun cas des médicaments autorisés ni des compléments alimentaires notifiés, mais des drogues récréatives ! « , prévient le Pr Jan Tytgat, toxicologue à la KU Leuven. Dans le circuit  » récréatif « , les NSP prolifèrent depuis une quinzaine d’années comme alternative bon marché aux drogues classiques telles que l’héroïne, le cannabis, l’ecstasy et les amphétamines. Souvent, ces NSP sont vendues sous couvert de legal highs, autrement dit de drogues légales. Un terme marketing trompeur, selon Jan Tytgat :  » De nombreux consommateurs en concluent en effet que ces NSP ont été approuvées par les autorités pour un usage humain. Ce qui est faux ! Par légal, on entend tout au plus que ces substances ne sont pas encore sujettes à poursuite car le législateur n’arrive pas à suivre leurs concepteurs !  » Un retard qui se comble cependant de plus en plus rapidement. Depuis l’AR du 26 septembre 2017 (réglementant les substances stupéfiantes et psychotropes), le label  » drogue illégale  » recouvre non seulement les nombreuses substances citées dans cet arrêté royal mais également leurs variantes chimiques, même lorsqu’elles n’ont encore jamais été synthétisées.

Médicaments illégaux : un marché juteux !

Un nom anodin

De nombreuses NSP sont des candidats-médicaments qui ont disparu avant que leur sécurité pour l’homme n’ait été étudiée, ou justement en raison des effets néfastes déjà constatés. Elles sont parfois récupérées par les dealers et relancées dans le circuit récréatif des années plus tard sous forme de  » nouvelles  » substances psychoactives.  » C’est le cas de l’ocfentanil, illustre le Pr Tytgat. À l’instar du fentanyl qui a bel et bien été enregistré comme médicament, l’ocfentanil est un analgésique très puissant qui, à dose élevée, entraîne rapidement un coma. Cette NSP circule depuis 2013 comme ‘héroïne synthétique’, est cent fois plus puissante que l’héroïne et a déjà causé le décès de consommateurs dupés, y compris en Europe.  »

À côté de cela, les concepteurs de drogues s’inspirent aussi de médicaments enregistrés et de leurs composés organiques.  » Ils imitent des produits de dégradation actifs avec un effet similaire à celui du produit initial, ou synthétisent toutes sortes de variantes chimiques. Ainsi, ils mettent sur le marché diverses NSP sur le modèle de benzodiazépines légales, des somnifères délivrés sur prescription. Ils promeuvent ces NSP comme alternative clandestine sans prescription ou comme drogue récréative pour obtenir un état de somnolence ou revenir à un état de calme après l’usage de drogues stimulantes. De nombreux décès en Europe ont ainsi pu être imputés au ‘bonzaï’, un mélange de phénazépam – une des premières NSP ‘benzo’ – et d’une herbe, ce qui le faisait ressembler à du cannabis. Ce mélange au nom inoffensif a dès lors été placé sous contrôle et qualifié de drogue illégale.  »

Plus d’info : www.euipo.europa.eu, www.fagg.be, www.interpol.int

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