» Mayday, mayday, mayday… « (*)

(*) Dans le code international, le mot  » mayday  » répété trois fois constitue un signal radiotéléphonique de détresse.

(1) Il avait notamment publié, en février 1919, un petit ouvrage de 48 pages intitulé L’Expansion belge par l’aviation.

(2) Par handling, il faut entendre les activités ayant trait notamment au chargement et déchargement des soutes.

(3) Par catering, il faut entendre les activités ayant trait à l’approvisionnement en denrées de l’avion.

Le texte de la rubrique Idées n’engage pas la rédaction.

Nul doute que Georges Nélis (1) serait vert de rage s’il était encore parmi nous aujourd’hui. Ardent défenseur de la création d’une aviation civile nationale belge, il a longuement bataillé pour développer ce qu’il savait être un moteur économique et culturel décisif pour un pays comme le nôtre. La réussite sera au rendez-vous pour ce visionnaire.

A l’heure où la Sobelair ferme ses portes et où un très vif débat sur les nuisances sonores est porté de l’arène démocratique vers la place publique, nous pouvons dire, sans jeu de mots, que notre cher Georges avait remporté une bataille en 1919 et que nous venons, aujourd’hui, de perdre la guerre. La réduction des activités aéronautiques sous pavillon belge risque d’être plus lourde de conséquences qu’on ne veut bien le croire.

A l’aube du xxe siècle, nombreux étaient ceux qui avaient compris que l’aviation deviendrait un outil de communication exceptionnel. L’amélioration conjointe de la vitesse, de la charge utile, du rayon d’action et du confort explique le rapide succès de l’avion face aux moyens de transport traditionnels. Ces éléments ont conduit à ce que l’aviation devienne un pilier économique fondamental de notre pays.

A un point tel que nous sommes devenus dépendants de l’aviation et certainement d’une aviation battant pavillon national. Certains clameront qu’il s’agit là d’affirmations somme toute hâtives… Pourtant, certains faits découlent directement des événements de ces deux dernières années.

D’une part, il y a les pertes d’emplois au sens strict. Elles concernent toutes les personnes clairement spécialisées, tels les pilotes, le personnel de cabine ou les techniciens et mécaniciens. Des personnes pour lesquelles retrouver un emploi en Belgique est pratiquement impossible. Il y a également tous ces jeunes qui ont déboursé près de 3 millions d’anciens francs pour devenir pilote et qui se retrouvent non seulement avec un prêt sur les bras, mais qui demeurent aussi sans statut. Ces jeunes  » diplômés  » malchanceux sont, semble-t-il, victimes d’une situation due à l’inertie des autorités en la matière.

Enfin, de manière plus sournoise, l’effacement des compagnies nationales entraîne la disparition de nombreux emplois au sein de sociétés qui gravitaient autour de ces compagnies. Pensons aux sociétés de handling (2), de catering (3), d’entretien mais aussi au secteur Horeca. La faillite de la Sabena a clairement démontré une réduction des activités de l’aéroport de Bruxelles-National et, par voie de conséquence, de tous les secteurs qui l’entourent. D’autre part, la qualité des emplois au sein du milieu aérien est telle qu’il est encore plus difficile de pallier cette perte. On y retrouve aussi bien des personnes sur-qualifiées que peu qualifiées, £uvrant dans un cadre de haute sécurité et généralement mieux rémunérées qu’ailleurs.

Les avantages qui découlent de la présence de compagnies sous pavillon national sont importants et nombreux. Tout d’abord, ces compagnies assurent l’existence et l’exploitation d’un réseau international au départ de notre pays. Cela implique qu’elles répondent à un besoin interne important en matière de circulation de biens et de services. Notre économie est largement articulé sur les activités de services et il est donc capital que nous développions notre réseau de communications, au lieu de faire l’inverse.

Ensuite, la menace de voir une compagnie s’exiler est moins grande. Je pense tout particulièrement au cas de l’aéroport de Charleroi, qui tremble chaque fois que Ryanair tousse. Alors qu’a contrario Bierset voit TNT se développer en toute sérénité, pour le plus grand bien de la région liégeoise. Enfin, les compagnies  » nationales  » assurent bien évi- demment l’utilisation des services internes au pays, tels le handling, le catering, les services techniques et autres. Au contraire, une compagnie  » étrangère  » utilisera un service interne réduit au minimum. Nous subirons donc les inconvénients de ces vols, notamment en termes de nuisances sonores, mais sans en tirer pleinement profit en termes de commandes pour des entreprises nationales.

L’aviation belge a toujours donné des gages de sécurité, de qualité et de confort. Enfin, la Belgique possède une main-d’£uvre des plus qualifiées en ce domaine. Pilotes et techniciens comptent, entre autres, parmi les meilleurs du monde.

Il est évident que ces caractéristiques ne se retrouvent pas nécessairement au sein de toutes les autres compagnies, fussent-elles européennes, sans parler, évidemment des autres ! Ainsi le crash récent du Boeing 737 de la compagnie de charters égyptienne Flash Air, après son décollage de l’aéroport de la station balnéaire de Charm el-Cheikh, est un de ces événements pénibles qui mettent en lumière l’importance et la valeur d’une compagnie fiable.

Quoi qu’il en soit, désormais, nous aurons tous, chaque fois que nous apercevrons un avion dans le ciel, un pincement au c£ur pour le rêve de Georges Nélis.

Par Hervé Fransens,

La disparition des compagnies aériennes nationales entraîne de graves conséquences pour l’économie belge

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