Match VOO/Belgacom Un été chaud ?

Coup d’envoi, ce 29 juillet, du championnat de football dont VOO a ravi les principaux droits télévisés à Belgacom. Premiers vainqueurs de cette lutte entre opérateurs : leurs abonnés, dont beaucoup verront les matchs gratuitement. Déforcé, Belgacom table sur son avance technologique pour rebondir.

En se lançant dans la télédistribution en 2005, Belgacom avait brisé le monopole que les câblo-opérateurs locaux détenaient depuis près d’un demi-siècle. Ce coup de force avait suscité la riposte de l’intercommunale liégeoise Tecteo et de son homologue carolo-bruxelloise Brutélé qui s’étaient unies pour tirer le secteur de sa léthargie. En quelques années, elles l’ont transfiguré et leur marque commune VOO règne désormais sur la quasi-totalité du câble francophone. Pourtant, même si le vieux réseau a été modernisé et numérisé, il semblait incapable d’enrayer la croissance du jeune rival passé, en cinq ans, de 33 000 à plus d’un million d’abonnés. L’arme fatale de Belgacom TV ? L’exclusivité du championnat de football qu’il s’était arrogée dès le lancement de son offre par ligne téléphonique. Mais exclusivité ne rime pas avec perpétuité et, le 10 juin dernier, VOO lui en a soufflé les principaux droits pour les trois prochaines saisons. Un véritable séisme, dépossédant pratiquement le jeune opérateur de son ADN.

Paradoxalement, le montant que VOO a déboursé pour les obtenir est inférieur à celui que proposait Belgacom. L’explication tient au fait que les droits sont négociés au niveau national. En réalité, c’est le câblo Telenet qui a décroché la concession mais, son réseau étant limité à la Flandre et à un tiers du territoire bruxellois, il s’était accordé avec son alter ego francophone. Moyennant une quinzaine de millions d’euros par saison, VOO diffusera donc les meilleurs matchs du championnat de première division en Wallonie et sur une partie de la capitale. Pourquoi seulement les  » meilleurs matchs  » ? Parce que la Ligue professionnelle du football a partagé les droits. Concrètement, le duo Telenet/VOO a décroché les trois rencontres phares de chaque journée de championnat, tandis que Belgacom conserve les cinq matchs restants du samedi. Si l’on imagine aisément le supporter lambda opter pour la première formule, le vrai mordu n’aura d’autre choix que de payer deux abonnements (et empiler deux décodeurs) pour suivre l’intégralité des matchs. Une situation ubuesque d’autant que, hormis le football, les deux offres de programmes sont assez similaires. L’Union belge dit d’ailleurs comprendre le mécontentement des supporters, mais souligne que les droits, plus rémunérateurs, permettront aux équipes de conserver leurs talents et d’investir davantage dans la formation des jeunes.

C’est gratuit… du moins pour l’instant

Conscient de n’avoir que les moins belles parts du gâteau télévisé, Belgacom a décrété la gratuité pour les 180 rencontres qu’il diffusera. Exit donc les formules payantes  » All Foot  » ou  » My Club  » ; désormais, tous les abonnés ont accès à la chaîne Belgacom 11 où ils pourront suivre les matchs sur cinq canaux distincts ou se brancher sur le multilive qui jonglera entre leurs temps forts respectifs. La réplique de VOO n’a pas manqué de surprendre puisque le câblo a décidé, lui aussi, d’offrir le football à une partie de ses clients [voir encadré]. Une vraie révolution dans la mesure où, il y a quelques semaines encore, pareil cadeau semblait inconcevable. Et la lutte entre opérateurs n’est pas finie puisque, dès le 13 août, Belgacom diffusera deux matchs hebdomadaires de la Primeira Liga portugaise. A nouveau gratuitement.

Reste que ces largesses ne sont, sans doute, que les conséquences très temporaires de la redistribution des droits du sport roi. Pour preuve, les deux opérateurs ne confirment la gratuité que pour la saison 2011-2012 et se gardent bien de dévoiler leurs intentions ultérieures, si ce n’est en termes de contenus. Belgacom, par exemple, annonce les matchs de la Liga espagnole (première division) pour la saison 2012-2013, tandis que VOO pourrait diffuser l’intégralité de la D1 belge dès l’an prochain : son concurrent ne possède en effet l’exclusivité des matchs du samedi que pour la saison qui démarre ce 29 juillet et il n’est pas exclu que VOO les relaie aussi à partir de l’été 2012. Pas un mot, en revanche, sur les conditions dans lesquelles ces programmes seront proposés.

Football vendeur de téléphonie

Si cette course à la diffusion du football est aussi disputée, c’est parce qu’elle cache des enjeux qui débordent largement du petit écran. Depuis quelques années, les opérateurs ne cherchent plus à vendre un simple abonnement à la télévision, mais une offre triple play dans laquelle la télédistribution n’est qu’un élément au côté de la téléphonie fixe et de l’accès à Internet. Signe révélateur : VOO a créé une chaîne à son nom, VOO Foot, pour diffuser le championnat alors que celui-ci était plutôt attendu sur sa filiale Be tv. L’opération vise clairement à renforcer la marque auprès du public et, par là même, à lui vendre des services complémentaires à la télévision.

Si cette formule tout-en-un a contribué au succès de Belgacom TV, sa gestation fut plus longue chez VOO en raison du processus de rachat des anciennes intercommunales wallonnes de télédistribution (huit d’entre elles sont passées sous son contrôle, tandis que la neuvième, l’AIESH, est restée indépendante dans la région de Chimay). Finalement, ce n’est qu’en novembre 2009 que les clients de VOO ont eu accès aux packs triple play actuels. Ces offres combinées, qui ont été lancées dans la foulée du terminal enregistreur numérique VOOcorder, ont permis au câblo de reprendre des couleurs que l’arrivée de Belgacom avait notoirement ternies. Au dernier pointage, VOO affichait 1,2 million d’abonnés sur sa zone constituée de la Wallonie et d’un tiers de Bruxelles, et l’emportait face au million de clients que son rival recensait sur l’ensemble du territoire belge à la fin mars.

Prochaine étape pour le câblo ? Le quadruple play, soit son offre actuelle enrichie de la téléphonie mobile, une formule que Belgacom propose déjà à partir de 72 euros mensuels. Pour l’occasion, c’est (encore) avec Telenet que VOO s’est porté candidat à la quatrième licence GSM. Sans véritable suspense puisque, seul en lice, le duo devrait être le nouvel opérateur à venir chasser sur les terres de Proximus (Belgacom), Mobistar et Base.

Convergence technologique

VOO semblant parti pour offrir les mêmes services de télévision et de télécommunications que Belgacom, il lui faudra encore en assurer la convergence, métier dans lequel son rival a pris une solide avance. L’exemple le plus récent est l’offre  » TV Partout  » lancée au début du mois et qui permet aux abonnés de Belgacom de regarder la télévision aussi bien sur un téléviseur que sur une tablette ou un smartphone, voire bientôt, un ordinateur fixe ou portable. Grâce aux connexions Internet et aux réseaux Wi-Fi et 3G, des chaînes de télévision et des programmes à la demande sont disponibles (presque) partout. Ce nouveau service, gratuit jusqu’en octobre, vient étoffer ceux proposés depuis l’an passé, comme la vidéo à la demande sur ordinateur ou la programmation d’enregistrements à distance.

L’opérateur historique entend aussi valoriser ses offres combinées en créant une communauté Wi-Fi à l’échelle nationale.  » L’idée consiste à partager l’Internet sans fil entre abonnés, explique le porte-parole, Haroun Fenaux. Concrètement, chacun pourra ouvrir sa connexion Wi-Fi aux autres afin de créer un vaste réseau.  » En pratique, chaque  » box  » sera équipé d’un point d’accès sécurisé supplémentaire auquel auront accès les autres abonnés de Belgacom. C’est ainsi qu’un client partageant son réseau à Arlon pourra se raccorder à celui d’un Ostendais. Et le système fonctionnera aussi à l’étranger puisque Belgacom a conclu un accord avec l’entreprise espagnole Fon dont la communauté compte plus de quatre millions de membres dans le monde.

Au-delà de ce service qui sera lancé avant la fin de l’année, Belgacom vient également d’ouvrir le premier réseau 4G du pays. Appelée à succéder à la 3G actuelle, cette technologie accélère la transmission des données et rend nettement plus confortables les connexions à l’Internet mobile. L’accès est encore réservé à quelques clients professionnels dans des zones restreintes, comme à Mons et à Wavre, mais une offre commerciale sera lancée dès que la demande et la disponibilité en appareils compatibles 4G seront suffisantes.

Dans l’immédiat, c’est le football qui arbitrera la manche estivale du duel qui oppose les deux opérateurs. Hasard du calendrier, c’est ce 29 juillet, à quelques heures du coup d’envoi du championnat, que Belgacom dévoilera ses résultats semestriels. Arrêté à la fin juin, le décompte des abonnés à la télévision ne reflètera que partiellement l’impact du passage du ballon dans le camp adverse, mais il en esquissera la première tendance. Si celle-ci est attendue avec optimisme par l’entreprise (sur laquelle lorgne Deutsche Telekom), elle ne constituera sans doute pas le sujet principal que le conseil d’administration aura abordé la veille. Le chapitre  » divers  » risquait en effet d’être nettement plus chargé, tant en raison du licenciement récent de plusieurs membres de l’état-major que des remous provoqués par des plaintes pour harcèlement moral aux étages supérieurs. Une épine supplémentaire dans les pieds de Belgacom, désormais dépourvus de crampons.

LAURENT HOVINE

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