Mais si, on peut s’entendre !

Encore trop méconnu, le médiateur intervient principalement lors de séparations afin d’alléger les contentieux et régler la vie à venir des enfants

Marc était prêt à tout lâcher : la bicoque, la bagnole, les meubles, le plan d’épargne. Tout, pourvu que son ex lui laisse le secrétaire. Un meuble à tiroirs sans grande valeur qu’ils avaient chiné ensemble. Elle n’en a que faire, de ce meuble, mais tient beaucoup à ennuyer Marc.  » Dans un cas pareil, la justice aurait estimé la valeur marchande du meuble et l’aurait attribué en désignant en compensation d’autres objets d’une valeur équivalente, explique Jocelyne Dahan, médiatrice familiale (Se séparer sans se déchirer, Pocket). Or il ne s’agit pas d’argent ici, mais d’investissement affectif. Donc, je demande à Madame si elle y tient vraiment, à Monsieur ce que raisonnablement il est disposé à céder en échange. Chez nous, c’est le prix de l’égalité.  »

La médiation familiale est une invention canadienne. Arrivée en Belgique voilà une dizaine d’années, elle tente de dénouer les conflits entre parents et grands-parents, les brouilles d’héritage, les crises entre ados et leurs parents. Et, dans 85 % des cas, elle aide surtout les couples à solder leur rupture. Une méthode qui fait des merveilles parfois : il s’agit de s’écouter, dans un lieu neutre, à trois et de mettre à plat les problèmes. Un échange encadré par un médiateur soucieux de faire avancer les choses. Equitablement.

Conseillés par un juge, incités par un avocat, poussés par un psy, des ex qui ne peuvent plus se pifer se rencontrent dans un service de médiation. Là, ils vont d’abord se souvenir à voix haute de leur rencontre, du temps léger où ils s’aimaient.  » En leur faisant raconter ces moments heureux, on réintroduit du positif, qu’ils ont bien oublié pendant leurs querelles judiciaires « , poursuit Jocelyne Dahan. Un bon départ. Puis, s’ils ont des enfants, ils auront à les décrire, à calculer le budget précis pour eux, le montant exact de la future pension. Ils dresseront la liste de leurs biens et se les répartiront. Ils décideront enfin où vivront leurs enfants, quel sera le rythme des visites du parent non gardien, qui signera le bulletin, conservera le carnet de santé, autant de détails auxquels la justice ne peut consacrer du temps.

 » L’accord écrit a une valeur juridique « , souligne Malika Rekik, médiatrice familiale. D’après son expérience, ce sont les normes éducatives qui constituent le point de litige. Denis, 36 ans, garde un souvenir cuisant de sa séparation. Il s’était mis d’accord avec Muriel : elle gardait la maison ; ils se partageaient Aline, 5 ans, une semaine sur deux. Mais depuis, ils s’étripent pour des  » conneries « .  » A ses yeux, je ne fais rien de bon. Quand Aline vient chez moi, elle ne dort pas assez. Elle ne mange pas équilibré. Elle ne prend pas de bain tous les jours… J’en ai marre !  » témoigne-t-il. Muriel et lui ont décidé de consulter un médiateur familial.

La résidence alternée, nouveau nerf de la guerre ? Certains médiateurs redoutent en effet que la garde alternée – l’essentiel de leur boulot, au fond – devienne un objet de chantage. Des pères la demandent dans l’espoir de payer moins. D’autres menacent leur ex-épouse : si elle n’accepte pas de revoir à la baisse ses exigences en matière de pension alimentaire, ils réclameront la garde alternée. Des mères qui ont endossé seules la marmaille l’exigent par vengeance.  » Dans de nombreux conflits de séparation, l’enfant ne compte plus. Sauf quand on peut faire souffrir l’autre. Il faut toucher là où ça fait mal, récupérer ce que l’autre désire : un gosse, un clebs… « , s’indigne Malika Rekik. Sur son bureau, des dossiers qui renferment des drôles de drames de l’après-vie conjugale. Ils constituent la principale source d’encombrement des tribunaux.

La médiation, encore trop rare et trop méconnue, permet donc de préparer, concrètement, la vie à venir. Sa réforme est entrée en application le 1er octobre 2005. Les médiateurs verront leur formation officiellement reconnue ; les juges enverront les couples vers des médiateurs agréés. La bonne volonté ministérielle est destinée à alléger le contentieux post-divorce.  » Mais attention : il ne faut pas tomber dans le mythe d’une séparation facile, où des adultes responsables s’entendent merveilleusement. On ne fait pas un « bon divorce » après un « mauvais mariage ».  » A bon entendeur. l

Association pour la médiation familiale (AMF), 19, rue P.J. Wincqz, à 7060 Soignies. Tél. : 067 63 63 70, ou www.mediationfamiliale.be

S.G.

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