Magnette, bombe atomique ?

C’est un véritable sac de n£uds, un nid à problèmes. Un dossier choc qui mêle cynisme, fausse candeur, sincérité, idéalisme, hypocrisie et gros sous. Pas net parce que trop complexe, délicat, sulfureux. Avec, pour toile de fond, des enjeux politiques explosifs qui portent sur des stratégies environnementales cruciales pour l’avenir. Quand le nucléaire rate sa sortie… ce sont tous les partis qui sont ébranlés. Un véritable jeu de dupes.

Sur un point, un seul, tous les acteurs et spécialistes de l’affaire sont d’accord : la loi de 2003 (programmant l’abandon progressif du nucléaire pour 2015), bricolée en fin de législature par la coalition arc-en-ciel pour permettre à Ecolo de retrouver une nouvelle virginité après sa gestion calamiteuse des dossiers de Francorchamps et de la SNCB, était faite sur mesure… pour être détricotée un jour. Restait à définir le moment politiquement opportun. En sortant le premier du bois, ce 2 octobre, le ministre du Climat et de l’Energie a pris de court tous ses collègues du gouvernement (à l’exception des socialistes, bien sûr). Magnette, bombe atomique ? De fait, une fenêtre de tir s’ouvrait, il ne s’agissait pas de la rater. Cible visée, le MR. Et plus particulièrement son président qui, en coulisses, négociait depuis plusieurs mois déjà un accord avec Gérard Mestrallet, le patron de GDF-Suez. Objectif de Didier Reynders, dont l’auréole pâlit de jour en jour au sein de son parti : obtenir d’Electrabel le paiement, en trois ans, de 1,3 milliard d’euros prélevés sur la marge bénéficiaire juteuse de l’entreprise produite par l’exploitation de centrales rentabilisées depuis belle lurette. Un one-shot destiné à renflouer un budget fédéral si exsangue qu’il oblige désormais Herman Van Rompuy à faire la manche. Un tour de passe-passe qui permettrait, aussi, aux libéraux d’avoir la main moins lourde pour taxer les banques et les contribuables. Didier Superman, sauveur du budget 2009-2010 ? Un cauchemar pour les socialistes ! D’autant plus que, de son côté, Magnette avait aussi fait le voyage à Paris pour concocter, en douce, un accord avec le grand patron français. Ainsi aurait-il obtenu d’Electrabel la promesse du paiement d’un prélèvement structurel de 200 à 250 millions d’euros par an et ce jusqu’en 2035. 250 millions pendant vingt-cinq ans, de quoi faire rêver ! De plus, juré, promis, le deal prévoirait aussi, en parallèle, un plan contraignant, à charge de Suez, de soutien aux énergies renouvelables dans notre pays.

Paroles, paroles, que ce double langage d’Electrabel ? De fait, les bisbrouilles belges tombent à pic pour les dirigeants de Suez et doivent beaucoup amuser à Paris. Après les banques, la vulnérabilité et la provincialisation croissantes de la Belgique sont criantes. Autant de querelles qui favorisent des marchandages peu glorieux. Pis, qui dit qu’Electrabel respectera ses engagements dans le futur, qu’il s’agisse de prélèvement structurel ou de taxe forfaitaire ? La question est d’autant plus préoccupante que notre pays joue aujourd’hui son avenir énergétique. Plus que jamais, ne s’agit-il pas de prendre de la hauteur, de  » civiliser  » le système, de plancher sur de vraies solutions qui passent par un  » bon  » accord avec Electrabel, contraignant, soutenu par des garanties bétonnées, et qui favorise tant le développement durable qu’un juste prix du kilowattheure pour les citoyens, comme pour les entreprises ? Un bricolage vite fait, bien fait, dans l’urgence, avec des partenaires à la haine attentive, à la gâchette décidément bien sensible, est bien un luxe qu’on ne peut définitivement plus se permettre.

Vue de Paris, la provincialisation croissante de la Belgique est criante

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