Luxe et modernité au royaume des antiquités

Rendez-vous immanquable des amateurs d’art et d’antiquités, Eurantica Brussels réunit 125 galeries belges et étrangères conjuguant éclectisme et modernité. Dans une atmosphère feutrée, des milliers d’objets de collection dévoileront les tendances du marché.

Luxe et volupté seront plus que jamais au centre de cet événement misant tout sur le raffinement. Dix jours durant, collectionneurs avertis, amateurs et professionnels du secteur évolueront dans des allées ultrasophistiquées.  » L’éclectisme et le mélange des styles et des époques différentes, toujours dans le respect de la qualité, font partie de l’ADN d’Eurantica, s’enthousiasme Luc Darte, directeur de la foire. Cette transversalité est typiquement belge. Dans le passé, une maison de maître classique se devait d’être aménagée dans le style Louis XV, Louis XVI ou Régence. Aujourd’hui, on n’hésite pas à casser les codes en y intégrant un canapé moderne, des luminaires design ou du mobilier asiatique.  »

Non content de proposer des oeuvres d’une très grande diversité, l’organisateur rappelle que les exposants présenteront des pièces pour des budgets tout aussi variés.  » Nous accueillons de plus en plus de jeunes antiquaires. Dans le même ordre d’idées, nous assistons à un rajeunissement du public. Le profil de la clientèle se situe aujourd’hui entre 35 et 50 ans.  » Une tendance très encourageante qui nécessite d’être stimulée. Dès lors, soucieuse de contenter ses jeunes (ou moins jeunes) visiteurs pas forcément fortunés, Eurantica tient à proposer des objets  » coups de coeur « , rares et insolites, pour quelques centaines d’euros. En outre, ce caractère  » accessible  » donne une image plus décontractée de la foire.

Tendances : du vintage et de bons basiques

Depuis quelques années, on observe une poignée de tendances et de spécificités propres au marché. La première à épingler est l’intérêt toujours plus grand accordé au mobilier vintage. Dans cette catégorie, l’antiquaire Catherine Gavage exposera, entre autres, deux pièces exceptionnelles : la table  » goutte d’eau  » en bronze doré signée Ado Chale et une console d’Alfred Chambon.

On assiste également à la remontée en force du petit meuble français du XVIIIe siècle qui apporte sa touche d’élégance à tout intérieur, qu’il soit stylé ou épuré, ancien ou contemporain. Pour sa toute première participation à la foire belge, l’antiquaire toulousain Patrick Martin a conçu un stand classique typiquement français, réunissant une sélection de mobilier et d’objets d’art des XVIIe et XVIIIe siècles tout en y intégrant des tableaux d’artistes contemporains. Audacieux !

Le tableau belge rencontre toujours un succès impressionnant. Incontournable en la matière, la NF Art Gallery s’est spécialisée dans la peinture, les oeuvres sur papier et la sculpture d’artistes belges des XIXe et XXe siècles (avec une petite préférence pour le courant symboliste incarné par Spilliaert et Khnopff). Pour cette édition d’Eurantica, l’enseigne mise principalement sur la période allant de 1930 à 1970. Autre maison tournée vers la peinture belge, la galerie Pierre Hallet explore particulièrement nos représentants d’avant-guerre (Leemen, Bonnet, Mortier, Van Lint, Delahaut…). Parmi les oeuvres les plus convoitées, il faut mentionner L’enfant avec le bateau (1915) de Jos Albert, l’une des toiles emblématiques de la période Fauve brabançon de l’artiste bruxellois. Cette toile est proposée par Raf Van Severen. Cet antiquaire, fidèle à la foire depuis une dizaine d’années, nous a confié que sa motivation principale quant à ses achats est le plaisir :  » Le minimalisme et le béton n’ont plus la cote. On assiste à un retour du romantisme et du plaisir. Chacun veut créer son propre style. Les courants artistiques s’inscrivant à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, tels l’impressionnisme, le fauvisme et le luminisme, trouvent parfaitement leur place dans ce retour des ambiances empreintes de charme et de couleur.  »

Le bijou, une valeur montante

Autre engouement certain, celui en faveur du bijou. Les raisons de ce succès ?  » Le bijou permet d’entrer dans l’intimité des gens, explique la Française Laurence Fayolle. C’est un domaine qui est en relation directe avec la sensibilité.  » Cette experte en la matière a commencé par s’intéresser au bijou ancien, du XIXe siècle. Peu à peu, pour s’adapter aux attentes de sa clientèle et à la mode, elle se spécialise dans la haute joaillerie signée et dans les bijoux Art déco. La première catégorie s’adresse à tout le monde car  » elle rassure et répond à l’envie de faire un bon placement « . La seconde séduit les amoureux de l’art et du savoir-faire à l’ancienne. Sur son stand, Laurence Fayolle présente un ravissant pendentif broche à décor d’iris et orné d’opales, signé Gustave Roger Sandoz, qui s’inscrit, lui, admirablement dans l’époque Art nouveau. Elle réserve également pour le salon bruxellois des petites merveilles de chez Cartier faisant la part belle au règne animalier : une broche-pince  » tortue résille  » en or ciselé et torsadé qui est ornée de saphirs, une broche-pince  » coccinelle  » en or gris et platine, décorée de corail incrusté de diamants sertis, mais aussi et surtout des  » panthères « , animal qui marquera le joaillier français de son empreinte indélébile.  » De manière générale, la clientèle d’Eurantica recherche le placement dans la pierre, note la galeriste parisienne. Elle reste toujours le gage de sécurité au niveau patrimonial. La pierre la plus prisée est le diamant très structuré. Dans les bijoux anciens, on trouve des pierres magnifiques qui sont plus accessibles que les pierres vendues sur le marché du neuf.  »

Bruxelles et le Musée d’Ixelles

Cette année encore, Bruxelles est à l’honneur. Un thème fédérateur et toujours prometteur (déjà apprécié en 2011). Aux yeux des amateurs d’art internationaux ainsi que des collectionneurs étrangers plus avertis, Bruxelles compte aujourd’hui parmi les capitales culturelles les plus dynamiques. La richesse et la diversité de l’offre artistique de la ville lui permettent de rivaliser avec les plus grandes métropoles.

Originalité de cette édition : une exposition créée de toutes pièces pour Eurantica par le Musée d’Ixelles. Cette association  » muséo-commerciale  » est une première, tant pour la foire que pour l’institution ixelloise. On doit cette initiative à Anne Vierstraete, en charge du département Art & Antiques d’Artexis. Cette responsable (fraîchement nommée) souhaitait réaliser un rapprochement entre le commerce de l’art et les institutions officielles. Il faut reconnaître que ces deux-là se sont longtemps évités, voire froidement ignorés. Des  » frères ennemis  » qui ont bel et bien un objectif commun : travailler à la conservation et à la valorisation du patrimoine collectif.

Cette exposition – des oeuvres puisées au coeur des collections du Musée d’Ixelles (actuellement inaccessibles) et de la collection privée de la Banque BNP Paribas Fortis (partenaire de l’événement) – répond parfaitement à la thématique principale. Mais comment la sélection a-t-elle été opérée ?  » Bruxelles, thème à la fois vaste et réduit, a été une réelle contrainte, commente Claire Leblanc, conservateur en chef du Musée d’Ixelles. J’ai donc opté pour la piste Rêver Bruxelles. Les vingt oeuvres que j’ai choisies illustrent trois thèmes : la ville de Bruxelles du XIXe siècle (que l’on ne voit plus), les environs de Bruxelles (disparus également et s’inscrivant dans la vague paysagiste) et enfin, Bruxelles fantasmée, imaginée par des artistes contemporains, surtout des photographes, qui nous offrent un regard différent du nôtre quand nous arpentons la ville.  »

Eurantica 2014. Brussels Fine Art Fair, à Brussels Expo (hall 1). Jusqu’au 23 mars. www.eurantica.be

Par Gwennaëlle Gribaumont

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