Lou, es-tu là?

Inspirée par le Petit Chaperon rouge, Sylvie Landuyt crée un monologue sur les choix d’une jeune fille paumée, effrontée, avide. Une fable originale et violente. A croquer sans réserve

Elle tira la chevillette, la bobinette chut. Et le Chaperon rouge se fit traiter de salope et violer par plusieurs fauves fous furieux. Cette scène sordide de tournante ne fait bien sûr pas partie du conte de Perrault. Mais de la fable de Sylvie Landuyt: Lou. Une version libre et inquiétante du Petit Chaperon rouge. Lou est une ado des cités, mal dans sa peau, enfant du divorce, perdue dans sa vie sombre et dévorante de « pauvre tarte », scotchée à son rêve de prince charmant. Assaillies de questions aussi. Sur l’amour, le sexe, les hommes, l’avenir. Heureusement, sa Nonna est plutôt cool. Aux galettes et au pot de beurre, la mémé complice préfère un bon « split » planant. Mais, pour arriver jusque chez elle, Lou doit affronter la forêt urbaine et les Mercedes noires remplies de matamores cruels. Le loup est partout. La porte de la maison de Mère-Grand est entrouverte… Les murs, éclaboussés de sang. Les prédateurs, sortis du bois. Morsures dans la chair fraîche. Lou tombe dans le piège. « La haine n’a pas de couleur, juste une odeur effrayante ».

Comme tous les contes pour (grands) enfants, la fable de Sylvie Landuyt a des vertus initiatiques et psychanalytiques. Noire et drôle à la fois, tour à tour angoissante, troublante, émouvante, elle parle aux tripes. Malgré quelques petites erreurs de jeunesse, cette première écriture est, pour le moins, percutante. Seule sur scène, Sylvie Landuyt nous touche en plein coeur également par ses talents de comédienne, énergique, vulnérable. Elle habite littéralement son personnage, avec une puissance généreuse. Elle est accompagnée par Magali Pinglaut dans la mise en scène: une rencontre inattendue et très heureuse. L’histoire de Lou est rythmée par des images vidéo fragmentées, suggestives, telle cette terrible allégorie du viol collectif avec des effets de zoom répétés sur une petite culotte. Signées Marc Cerfontaine. Grâce, enfin, aux décors et aux morceaux musicaux créés par Fabrizio Minichiello et Louis Cardinal, l’alchimie est complète. Un spectacle accompli, novateur, à ne pas manquer.

Thierry Denoël, Lou, par la compagnie Agora Théâtre, au théâtre Varia, à Bruxelles, du 4 au 8 févri

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire