« L’ONU doit réagir »

Dissident historique, le président du tout nouveau Conseil de salut national syrien, qui rassemble plusieurs figures de l’opposition, est convaincu que les jours de Bachar el-Assad à la tête du pays sont comptés.

A 80 ans, l’avocat Haitham el-Maleh est l’un des plus célèbres militants syriens des droits de l’homme. Ses prises de position lui ont valu de nombreux séjours en prison. Le dernier remonte à octobre 2009, après une interview qui avait déplu aux autorités. Libéré le 8 mars 2011 à la suite d’une amnistie décrétée par le président Bachar el-Assad, il a soutenu, dès le début, les manifestations antirégime. Il y a quelques semaines, il a pu quitter la Syrie afin de participer, les 16 et 17 juillet, à des assises de l’opposition, organisées à Istanbul. Malgré les antagonismes, cette conférence a permis de mettre sur pied un Conseil de salut national dont le but est de préparer l’après-Assad. Elu président de cette organisation, Haitham el-Maleh a aussitôt entrepris une tournée des pays européens et arabes, dans l’espoir de les sensibiliser aux revendications des insurgés qui continuent, jour après jour, de manifester, en dépit d’une répression sanglante.

Le Vif/L’Express : La communauté internationale paraît peu désireuse d’exercer une réelle pression sur le régime de Bachar el-Assad. Que vous inspire cette impuissance ?

Haitham el-Maleh : Depuis le mois de mars, 2 200 personnes au moins ont été tuées, 3 000 autres sont portées disparues, 15 000 sont sous les verrous. Ce qui se passe en Syrie relève du crime contre l’humanité. La responsabilité de la communauté internationale est donc engagée, et les Nations unies doivent réagir. En entrant en guerre contre son propre peuple, le régime syrien a agi en violation de toutes les règles de droit. C’est un régime failli. Il doit être dénoncé comme tel par la communauté internationale, qui doit nous aider à le faire chuter. Ne pas le faire, c’est être complice.

Qu’est-ce que vous attendez de la communauté internationale ? Une intervention militaire ?

Non, nous ne voulons pas d’intervention militaire, et personne n’en veut dans l’opposition. Mais d’autres mesures peuvent être envisagées. Le Conseil de sécurité pourrait par exemple décider la saisine de la Cour pénale internationale. Des sanctions peuvent être décrétées, non pas contre le peuple syrien, mais contre la classe dirigeante, les quelques familles qui s’enrichissent sur le dos du pays. Ces gens-là ont des comptes à l’étranger qui peuvent être bloqués. J’ai moi-même four-ni aux chancelleries une liste de 200 noms.

Même si de telles mesures étaient prises, pensez-vous vraiment que les manifestations, violemment réprimées, puissent provoquer la chute de ce régime ?

La révolution à elle seule ne pourra pas faire chuter Bachar el-Assad. Mais d’autres éléments peuvent jouer : la situation économique, qui est désastreuse, et l’attitude de l’armée. Je suis convaincu que l’armée va se fracturer. Une partie des forces militaires, à commencer par les forces spéciales, est placée sous le commandement du frère du président, Maher el-Assad. Ce sont ces troupes qui exercent l’essentiel de la répression. L’armée régulière pourrait bien, elle, se désolidariser du régime. Déjà, des officiers ont refusé d’obéir aux ordres, certains ont même été exécutés pour cela. C’est ce qui me fait dire que le régime finira par tomber. Je pense même que c’est une question de semaines.

La Syrie est une mosaïque ethnico-confessionnelle. Une révolution ne risque-t-elle pas de déboucher sur une guerre civile ?

Non, je ne le pense pas. Le régime joue de cette crainte, mais cela n’arrivera pas. Il y a là-dessus un consensus qui rassemble toutes les forces de l’opposition, au-delà des clivages politiques ou confessionnels.

Ne craignez-vous pas, comme en Egypte, une montée en puissance des Frères musulmans, à la faveur de la révolution ?

En Syrie même, les Frères musulmans, interdits depuis longtemps, sont absents de la scène politique. Au sein de l’opposition en exil, ils sont une composante parmi d’autres, et il est bien normal qu’ils s’expriment. Cela dit, ils ne sont pas majoritaires.

Avez-vous des informations confirmant le rôle joué par l’Iran dans la répression en Syrie ?

Oui, il y a une coopération. Nous le savons à travers certains témoignages, des gens qui disent avoir vu dans leur ville des hommes armés parlant en arabe littéral [NDLR : l’arabe standard moderne enseigné aux étrangers] au lieu du syrien dialectal. Il s’agissait sans doute de Gardiens de la révolution iraniens.

PROPOS RECUEILLIS PAR DOMINIQUE LAGARDE

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