L’introuvable fermette, un mythe?

La seconde résidence ardennaise est aujourd’hui de multiple nature. Bien que la fermette et le chalet soient des inconditionnels du genre.

Auparavant, la résidence secondaire type était une ferme ardennaise isolée et entourée de 1 ou 2 hectares de terrain « , annonce d’emblée Paul Etienne (Immobilière des Ardennes, Vielsalm). Depuis, la demande, toujours plus forte, a rendu les amateurs un peu moins chatouilleux, ouvrant leurs perspectives et oxygénant par la même occasion le marché. Résultat ?  » Aujourd’hui, tous les biens peuvent devenir des secondes résidences « , constate Caroline Bouillon, notaire à Bouillon. Une annexe de ferme, une maison de maître, une fermette, un chalet, une villa, un cottage, un ancien moulin… Mais aussi, une caravane dans un camping, un bungalow dans un village de vacances, une roulotte ou une cabane dans les bois. Reconvertis, rénovés, détournés… ils forment un potentiel immobilier illimité. Comme ces anciens gîtes ou ces petits hôtels, arrivés ces derniers mois en masse sur le marché de la vente.  » Car les investissements pour les remettre au goût du jour (salle de fitness, piscine…) sont très lourds « , relève Jean-Marc Pierrot (Immo Semois&Lesse, Bouillon).

Même l’appartement et le studio, sur lesquels on était loin de parier dans le passé font une entrée… remarquée.  » Depuis 2008, on observe une véritable explosion de ventes d’appartements à Vielsalm et dans ses environs, ce qui était impensable, voire utopique, il y a 10 ans « , intervient Paul Etienne.  » L’image de la seconde résidence a changé, avec les mentalités. L’appartement devient un point de chute, avec sa belle terrasse et ses abords pour jardin.  » Constat similaire dans la région de Bouillon et dans l’Ardenne namuroise, moins courues, pour peu que le bien ait vue sur les méandres de la Semois.

Autre tendance, les maisons de village, autrefois délaissées.  » En matière de style aussi, les exigences se sont adoucies. Alors qu’avant, seule l’authenticité était demandée, et ce, impérativement ; aujourd’hui, l’architecture contemporaine a aussi du succès, pour ses facilités « , rajoute Paul Etienne. Conséquence, il n’y a jamais eu autant de biens sur le marché.

Cela dit, le marché fait toujours la part belle aux vieilles pierres. Ce qui n’est pas un problème en soi, étant loin d’être une espèce rare dans le paysage architectural ardennais. La raison est intrinsèque…  » L’Ardennais est conservateur « , confie-t-il. Du coup, le patrimoine est conservé, les biens entretenus avec soin et le bâti rarement gâché par une mauvaise rénovation. Et aujourd’hui, l’héritage ardennais est plus que jamais mis à l’honneur. Un constat qui vaut tant pour les secondes résidences que leurs cons£urs principales.  » On voit, par exemple, une évolution esthétique gagner les fermes, qui ne sont plus seulement utilitaires, mais aussi… fleuries « , renchérit le courtier.

Disponible dans toutes les tailles et revêtant toutes les formes, empreinte ardennaise par excellence, avec ses portes et portails à rayures, ses colombages rustiques et ses pierres du pays, la fermette, plus si incontournable qu’avant, est le  » must have  » du marché de la seconde résidence. Seul hic, beaucoup sont déjà occupées par d’heureux propriétaires…  » Si la fermette peuple toutes les régions d’Ardenne, l’offre n’est pas suffisante pour répondre à cette demande pressante, émanant tant de seconds résidents que de premiers, issus de la population locale ou de flux de population ayant jeté leur dévolu sur l’Ardenne « , avertit Damien Watteyne, directeur scientifique des Musées provinciaux luxembourgeois.

Et quand bien même on déniche une candidate, le prix de la belle suffit à éliminer toute une vague de prétendants.  » Les fermettes subissent de plein fouet le problème de la pression foncière de la résidence secondaire, qui atteint un pic à Durbuy, La Roche et Rochefort, notamment, et dont pâtissent en premier lieu les locaux « , déplore Damien Watteyne. Pour décrocher un jeu de clés accessible financièrement parlant, il faut de facto prospecter dans les régions moins touristiques, les petits villages reculés et peu desservis par les axes routiers et les voies ferrées.

Le chalet, pied-à-terre en forêt

A la mise de départ, s’ajoutent aussi des frais connexes, auxquels on ne pense pas assez, tels le chauffage et l’isolation.  » Comment préserver le caractère patrimonial du bâtiment tout en s’inscrivant dans les normes d’isolation contemporaines ?  » interroge l’expert. Un désagrément qu’ont voulu contourner les promo-

teurs immobiliers comme Thomas & Piron, T’Palm ou les Maisons Baijot, en construisant des fermettes clé sur porte. Ce que Damien Watteyne réprouve,  » surtout quand elles s’immiscent dans les petits villages authentiques, sur la moindre parcelle de terrain vierge « . Selon Jean-Marc Pierrot, néanmoins, ce phénomène touche à sa fin, surtout depuis que l’urbanisme a durci ses normes en conséquence. Quid des habitations existantes ?  » C’est vrai qu’il y a quelques années, on ne voyait qu’elles, mais avec le temps, mieux intégrées, elles se sont noyées dans le paysage « , observe-t-il.

Le pendant, version boisée, de la fermette, c’est le chalet. Ici aussi, l’atmosphère dégagée par les lieux est unique. Un parfum de vacances, au look sylvestre. Si le style, authentique, fait écho à la cabane du chasseur, nichée dans les bois, ses nombreuses déclinaisons n’ont pas spécialement de racines historiques. Contrairement à la fermette, son aînée, qui arbore parfois des colombages du XVIIe et du XVIIIe siècle, le chalet est surtout le fait de constructions récentes. Ses atouts ?  » Le bois est un bon isolant thermique et a un réel attrait écologique « , avance Xavier Baclène (Immo Chalets d’Ardennes, Heure).

On en trouve de deux types, que détaille le courtier : l’un est en bois massif,  » à la nordique « , l’autre présente une ossature en bois, avec un bardage extérieur en bois horizontal et un débordement de toiture.  » Débordement que l’urbanisme accepte de moins en moins.  » Dans les deux cas, ils sont soit de plain-pied – une entorse sur laquelle l’urbanisme ferme les yeux, ce qui n’est pas le cas partout en ce qui concerne les habitations classiques -, soit pourvus d’un étage.

La règle en la matière est d’implanter ces chalets en zone de loisirs, par opposition aux zones d’habitation rurale, réservées aux maisons traditionnelles. Il y en a ici et là sur le territoire ardennais, en plus forte concentration dans les régions touristiques.  » Ces vingt dernières années, la demande est allée grandissant, si bien que les communes sont en train de revoir leurs plans d’aménagement pour agrandir certaines zones de loisirs « , note Xavier Baclène. Restent les chalets existants, qui changent de propriétaires tous les 8 à 10 ans environ, observe-t-il. Quoique.  » Le paradoxe de ces zones de loisirs, prévues initialement pour un parc immobilier de secondes résidences, c’est que beaucoup de propriétaires (près de 50 %) finissent par occuper leur chalet à titre permanent. Ce qui ne plaît pas aux communes… « 

F. MA.

 » En matière de style, les exigences se sont adoucies. Alors qu’avant, seule l’authenticité était demandée « 

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