L’informaticien

Vincent Genot
Vincent Genot Rédacteur en chef adjoint Newsroom

W ebmaster pour le connecté, gestionnaire système pour l’autocrate, analyste-programmeur pour le laborieux ou content manager pour le plus branché… Peu importe l’appellation que l’on colle à sa profession. L’informaticien (encore rarement l’informaticienne) se soucie comme d’une guigne de ces titres ronflants. Ce qui l’intéresse ? Triturer le code, domestiquer la machine et, accessoirement, en rendre l’utilisation plus aisée au commun des mortels. Depuis l’avènement de l’Internet dans le milieu des années 1990 û selon l’Unesco, 213 ordinateurs étaient reliés à la Toile en 1981 contre 56 millions au milieu de 1999 û, le praticien de l’octet a dû abandonner sa tour d’ivoire technologique pour se lancer dans la conversion des foules. Pensez donc, en un peu plus de vingt ans, le Personal Computer (PC), conçu par IBM en 1981, a imposé sa présence dans tous les secteurs de nos sociétés. Travail, loisirs, santé, information…, rien n’a échappé, ou si peu, à la voracité des machines. L’invasion est telle qu’une récente étude de Gartner Dataquest annonçait la vente, en avril 2002, du milliardième ordinateur personnel par l’industrie informatique ! En Belgique, l’enquête socio-économique générale réalisée, en 2001, par l’Institut national de statistique recensait un peu plus de 1,5 million d’ordinateurs dans nos foyers (44,6 % des ménages équipés). La formation ex cathedra ne réussissant pas à fournir suffisamment de spécialistes capables de s’occuper de ces bécanes, l’informaticien des années 1990 a souvent suivi une formation bien éloignée de sa profession actuelle.

Comme bon nombre de ses collègues, Nicolas Pettiaux, docteur en sciences physiques de l’ULB, a ainsi découvert l’informatique au cours de ses années d’étude. En autodidacte, et parce que les outils informatiques disponibles sur le marché ne lui permettaient pas de faire avancer ses recherches, il écrit lui-même des programmes de reconstruction d’images 3D.  » L’informatique est le nouveau stylo des physiciens « , précise-t-il. Atteint par le virus, il travaille ensuite comme chef de projet dans un service informatique d’un grand groupe bancaire, avant de passer ICT manager au ministère de la Région de Bruxelles-Capitale. La suite de sa carrière, il l’envisage comme consultant indépendant. Une position qui lui permettra, peut-être, de promouvoir plus aisément l’utilisation des logiciels  » Open Source « . Vice-président de l’AFUL, l’Association francophone des utilisateurs de Linux et des logiciels libres, Nicolas est en effet convaincu de la supériorité d’une informatique  » communautaire « , qui partage son code, sur une informatique  » propriétaire « , qui refuse de dévoiler la moindre parcelle de son savoir. A l’inverse des programmes commerciaux, où l’utilisateur ne possède que le droit d’employer un programme, sans possibilité de le modifier,  » la démarche du logiciel libre est comparable à celle de la recherche scientifique : on partage la connaissance pour augmenter la connaissance « , explique Nicolas. Si, pour l’utilisateur, l’emploi du logiciel libre est un moyen de se réapproprier l’outil informatique, au niveau des Etats, cela devient une question de souveraineté nationale. Avec la mainmise des sociétés américaines sur le marché du logiciel, rares û pour ne pas dire inexistants û sont les Etats européens dont les systèmes informatiques ne dépendent pas directement de programmes dont le code source repose outre-Atlantique. Loin de ces considérations politiques, Nicolas se préoccupe surtout de l’impact des nouvelles technologies dans la société.  » Quand on choisit un système informatique pour une entreprise ou une collectivité, explique Nicolas, on lie pour très longtemps les utilisateurs à celui-ci. Fort de ce pouvoir, l’informaticien devrait peut-être envisager, à côté de son rôle de technicien, de se faire aussi consultant.  » Parce qu’il maîtrise la technique, il est en effet, actuellement, le seul capable de constater les dérives du tout informatique. L’informaticien, l’ultime garde-fou ? Lourde responsabilité en perspective… l

Vincent Genot

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