L’Inde, nucléaire mais fréquentable

Même si New Delhi a la bombe, Washington pourrait lui permettre de développer son programme civil

L’Inde a soif d’énergie. Ses besoins ne cessent d’augmenter, au rythme d’une croissance qui s’accélère, mais ses ressources propres sont rares : plus de 70 % du pétrole qu’elle consomme est importé. L’Iran s’est engagé à lui livrer 5 millions de tonnes de gaz liquéfié à partir de 2009. En attendant, peut-être, la construction d’un gazoduc qui la relierait au pays des mollahs, via le Pakistan. Si ce projet aboutit, les approvisionnements de l’Inde seront plus sûrs, certes, mais au prix d’une plus grande dépendance à l’égard de ses turbulents voisinsà Ce qui inquiète non seulement New Delhi, mais aussi Washington. Au point que les Américains pourraient prochainement aider les Indiens à développer un programme nucléaire civil.

Compenser le poids de la Chine

Aujourd’hui, pour le  » groupe des fournisseurs nucléaires  » – les pays susceptibles de vendre les équipements et le combustible – l’Inde est un Etat paria. Elle a en effet toujours refusé de signer le traité de non-prolifération (TNP), un accord international qui autorise uniquement les cinq Etats ayant  » fabriqué et fait exploser  » des armes nucléaires avant le 1er janvier 1967 (Etats-Unis, Russie, Chine, Grande-Bretagne, France) à les conserver et offre aux autres pays, en échange de leur renoncement, une assistance pour développer leur programme civil. Se sentant menacée par la Chine et le Pakistan voisins, l’Inde voulait sa bombe, ce qui est chose faite depuis 1974. Quitte à en payer le prix : un embargo sur les technologies civiles.

Aujourd’hui, les Etats-Unis envisagent la levée de ces sanctions, sans pour autant obliger New Delhi à renoncer à son programme militaire et à adhérer au TNP. Un projet d’accord est sur la table, qui permettrait à l’Inde d’importer les équipements et le combustible dont elle a besoin en échange d’une stricte séparation de ses installations militaires et civiles, ces dernières étant placées sous le contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique. Il devait en être question lors de la visite de George Bush à New Delhi, à partir du 1er mars. A Washington, certains mem-bres du Congrès déplorent une indulgence qu’ils jugent malvenue en pleine crise internationale sur le nucléaire iranien. Mais les Américains ont besoin d’une Inde forte pour rééquilibrer le poids de la Chine. Et la plus grande démocratie du monde est un pays plus fréquentable que d’autres. Malgré sa bombe.

Dominique Lagarde

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