L’incertaine mutation du Hamas

Quel est l’événement majeur ? Est-ce le fait qu’une organisation responsable de plusieurs dizaines d’attentats suicides en cinq ans et dont la charte prône la destruction de l’Etat d’Israël vienne d’entrer en masse au Conseil législatif palestinien ou le fait que cette organisation terroriste, le Mouvement de la résistance islamique, le Hamas, ait finalement décidé d’aller aux urnes, de jouer des institutions et non plus seulement des armes ?

Les responsabilités, dira-t-on, responsabilisent.

Oui. C’est vrai. C’est même une loi universelle, l’une des grandes forces de la démocratie, puisque tout élu tend à vouloir se faire réélire et doit donc pouvoir présenter à ses électeurs un bilan de bon gestionnaire, taux de croissance, création d’emplois, construction d’écoles et d’hôpitaux. C’est encore plus vrai en Palestine qu’ailleurs, car tout manque aux citoyens de cet Etat en devenir. Mais il est, malheureusement, tout aussi vrai qu’un mouvement qui avait dénoncé l’accord d’Oslo et qui revendique tout le territoire de la Palestine sous mandat britannique ne peut, a priori, pas davantage envisager un compromis avec Israël qu’Israël ne peut engager de négociations avec lui.

La légitimation électorale du Hamas et le poids qu’auront ses députés posent évidemment problème. Rien n’est simplifié mais on ne saurait sous-estimer non plus l’ampleur du changement introduit par ces élections.

Après sa participation à des municipales qui avaient déjà démontré son influence, le Hamas s’est résolu, là, à briguer les sièges d’un Parlement dont la mise en place avait été permise par l’accord d’Oslo.

Ce n’est pas neutre.

C’est, bien au contraire, un tournant, un tête-à-queue politique, puisque les islamistes palestiniens avaient toujours estimé jusqu’alors que, s’ils devenaient membres de ce Conseil législatif, ils reviendraient, ipso facto, sur leur condamnation d’un accord dont l’objectif était, et demeure, la reconnaissance mutuelle de deux Etats coexistant en paix.

Pour le Hamas, c’était une position de principe, et c’est avec cette logique du refus de tout compromis qu’il vient de rompre.

Peut-être, sans doute cette rupture n’est-elle que tactique.

Sa charte n’a pas été amendée pour autant. Toutefois, le fait est que ses cadres respectent la trêve qu’ils ont acceptée il y a un an, que leur thème de campagne a été non pas la destruction d’Israël, mais la corruption de l’Autorité palestinienne.

Portés par l’usure du Fatah, le mouvement de Yasser Arafat, ils ont été comme happés par un besoin d’alternance, rabotés par les réalités et la démocratie créées par le processus de paix et les institutions qui en sont nées.

A l’instar du Fatah des années 1980, le Hamas n’a plus la lutte armée comme seule perspective, bien qu’il n’ait pas encore – loin de là – franchi le pas d’une acceptation du fait israélien. Cela laisse toutes les possibilités ouvertes. Néanmoins, c’est un progrès, une ambiguïté cent fois préférable à la clarté de sa charte – celle du  » Mort à Israël ! « . l

Bernard Guetta

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