L’expo universelle ? Au 3e sous-sol !

Caroline Dunski Journaliste

A partir du 18 septembre, la Biennale d’art contemporain ambitionne de révéler la face cachée des choses. En posant beaucoup de questions, mais sans apporter toutes les réponses.

Organisée par le Centre culturel d’Ottignies-Louvain-la-Neuve, la huitième Biennale d’art contemporain s’intitule  » Une exposition universelle (section documentaire) « . La dimension documentaire y est essentielle, mais à l’inverse des expos universelles, qui vantent les dernières merveilles du monde, la  » Biennale8  » donnera à voir et à appréhender un état du monde, en révélera les structures et anticipera les développements à venir, en se focalisant sur la révélation de ses faces cachées, occultes et refoulées.

Une vingtaine de pavillons thématiques seront répartis dans deux lieux emblématiques de la Ville nouvelle : le Musée de Louvain-la-Neuve et les vastes plateaux d’un parking souterrain inutilisé. Les pavillons présenteront images, objets singuliers, faits et documents, curiosités et pièces à conviction.

Le commissariat de l’expo a été confié au Belge Michel François et au Français Guillaume Désanges. Le premier est responsable de l’atelier sculpture à l’ERG (Ecole de recherche graphique à Bruxelles) et enseignant à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-Arts à Paris. Le second est critique d’art et commissaire de nombreuses expositions.  » La première personne à qui j’ai demandé d’assumer ce rôle était Michel François, qui avait participé à la Biennale en 2000, explique Vincent Geens, directeur du Centre culturel. Il est très connu, ce qui ouvre toutes les portes ! Quand je l’ai rencontré, il m’a dit qu’il ne serait pas très motivé par une biennale classique et il m’a proposé un projet conçu pour un autre lieu. C’était une aubaine !  »

Mémoire refoulée… au parking Grand Rue

Fort de la réussite de l’édition de 2010, Vincent Geens n’a pas dû plaider excessivement pour faire accepter ce projet hors-normes par son conseil d’administration.  » Il a voté pour à l’unanimité, alors que c’est une biennale sans artistes, dans un parking… Il y avait plein de freins potentiels qui ne se sont pas actionnés. De plus, une biennale organisée par un centre culturel ne dispose pas des mêmes moyens que les institutions dédiées à l’art contemporain. Le budget de 125 000 euros a demandé beaucoup d’imagination. Quand un élément est nécessaire, plutôt que de l’acheter, on essaye de le trouver. Il y avait aussi la difficulté du lieu, à savoir un parking souterrain, sans eau, ni toilettes, ni Internet… On doit amener tout ça et c’est ce qui est passionnant. Toute l’équipe de 19 personnes travaille sur la Biennale, c’est une richesse énorme ! Cela permet à chacun d’exprimer ses talents.  »

Les 4 000 m2 de l’espace disponible au troisième sous-sol du parking Grand Rue accueilleront le pavillon de l’Obsolescence programmée, celui des Nouvelles langues, ceux de l’Être et du Paraître, de la Mémoire refoulée ou encore de l’Exclusion… Chacun de ces pavillons montrera un objet ou un ensemble d’objets métaphoriques, ainsi que des images et des documents (articles et textes de différentes tailles) pour illustrer le thème du pavillon. Quatre étudiantes qui entrent en 2e master en histoire de l’art (UCL) ont effectué un minutieux travail de recherche documentaire pour alimenter les pavillons.  » On se rend compte que l’art contemporain avance vers des limites de plus en plus larges, confie Marie Paillot qui, pour le Pavillon de la nouvelle histoire naturelle, a parcouru des centaines de documents, films et autres photographies où il est question de trafic d’animaux.

Adeline Lepoivre a fait des recherches sur la question des migrations, de la propagation des virus et sur la surveillance généralisée de la société, tandis que pour le pavillon de la mémoire refoulée, Elisabeth Godfraind a fouillé l’histoire du colonialisme, la maladie d’Alzheimer ou encore la question du  » Darknet  » avec Edward Snowden et Wikileaks.

Pneus et voitures désossées

Pour illustrer les thématique sur le mode métaphorique, du matériel peu commun en matière d’art contemporain devait être amené au sous-sol : 200 pneus (la limite maximale que les pompiers ont autorisée), cinq tonnes de câbles, trois énormes pierres d’une à une tonne et demie, des carcasses de voitures désossées, un long tuyau destiné à montrer que  » les produits de consommation circulent mieux que les personnes « , comme le souligne Michel François. A côté du bar-boutique de la biennale, le visiteur découvrira tous les éléments nécessaires à la fabrication de la Chang’aa, une bière meurtrière fabriquée par les Kényanes par macération, putréfaction, puis cuisson d’une farine de blé et de maïs.

Dénoncer, interroger… La biennale pose beaucoup de questions, sans apporter toutes les réponses.  » Cela reste une biennale d’art contemporain, avec des enjeux formels et esthétiques. On traduit toutes ces interrogations en formes « , conclut Vincent Geens.

Du 18 septembre au 17 novembre 2013. www.biennale8.be

Caroline Dunski

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