Leterme Ier – ministres et cabinets à gogo

Pierre Havaux
Pierre Havaux Journaliste au Vif

« L’histoire de la suppression des cabinets ministériels, c’est comme le tableau de Magritte : Ceci n’est pas une pipe. C’est un peu l’histoire d’un ministre qui fume encore, à un mètre d’un panneau signalant une interdiction de fumer.  » Ainsi ironisait un certain Yves Leterme en 2001, sur les bancs de l’opposition. Le chef de groupe CVP à la Chambre prenait alors un malin plaisir à railler le gouvernement Verhofstadt Ier et ses intentions, vite oubliées, de renoncer à une pratique des cabinets jugée politiquement peu correcte.  » Les cabinets de Verhofstadt sont les plus chers jamais vus en Belgique « , affirmait encore le député social-chrétien flamand, pointant du doigt les quelque 930 collaborateurs engagés dans le sillage des 15 ministres, trois secrétaires d’Etat et trois commissaires du gouvernement de la coalition arc-en-ciel (socialiste-libérale-verte), au pouvoir de 1999 à 2003. Aujourd’hui, c’est le retour à l’implacable réalité du pouvoir : le même Leterme, reconverti en gourou CD&V de la goed bestuur ( » bonne gouvernance « ), a pris les rênes d’un attelage gouvernemental impressionnant. Avec ses 15 ministres, flanqués de sept secrétaires d’Etat, Leterme Ier perpétue la tradition des gouvernements pléthoriques. Sans égaler, toutefois, le record détenu, en 1973, par le gouvernement Leburton Ier, dit des  » 36 chandelles  » (22 ministres et 14 secrétaires d’Etat), le nouveau gouvernement fédéral porte à 60 le nombre de postes ministériels à tous les niveaux de pouvoir en Belgique.

Il confirme surtout la vogue de ces adjoints aux ministres : les secrétaires d’Etat. Pratiquement rayés de la carte sous Dehaene Ier, ces seconds couteaux du gouvernement étaient déjà revenus sous Verhofstadt Ier et II. Voilà qui promet encore de beaux jours à la garde rapprochée des différents ministres.  » L’armée mexicaine « , dénoncée par l’opposition Ecolo, garantit en effet son lot de  » cabinettards « . Même si les collaborateurs des ministres sont à présent logés dans des organes stratégiques, rattachés aux services publics fédéraux. Ce qui revient à les affubler d’une étiquette censée les rendre moins visibles.

Coût des cabinets : Leterme fera-t-il mieux que Verhofstadt ?

Sur ce plan aussi, les bonnes résolutions ont été enterrées. Lancée sous le premier gouvernement Verhofstadt, au début des années 2000, la croisade pour la suppression des cabinets ministériels n’a pas fait long feu. Elle n’aura été qu’une opération purement cosmétique. Avec pour seul résultat d’entretenir le flou sur l’importance réelle et le véritable coût des équipes directement au service des ministres fédéraux. La transparence, sur le plan budgétaire, n’est qu’un vain mot. La Cour des comptes déplorait, en janvier 2007, cette entorse aux dispositions – prévues pourtant par un arrêté royal de 2000. Compétences des ministres et secrétaires d’Etat disséminées parmi plusieurs services publics ; utilisation peu distincte des crédits destinés à rémunérer les experts et les collaborateurs ; répartition floue des tâches entre les organes stratégiques et les secrétariats personnels des ministres, d’ailleurs établis à la même adresse : la confusion reste totale. Les secrétaires d’Etat ont certes droit à des équipes moins fournies que celles des ministres. Mais on voit mal comment Leterme Ier, avec ses 22 membres, dont cinq vice-Premiers ministres ayant chacun droit à deux cabinets, pourrait réussir la performance de compter moins de  » cabinettards  » que les 938 et 914 collaborateurs ministériels actifs, respectivement, sous Verhofstadt Ier et II. En 2006, une équipe de chercheurs flamands estimait le coût des cabinets sous Verhofstadt à 50 millions d’euros par an. On doute que le nouveau gouvernement puisse se contenter de moins.

Pierre Havaux

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