LES TROIS PILIERS
La stratégie » Europe 2020 » adoptée par le Conseil européen repose sur trois piliers : économique, environnemental et social. Dans la mise en oeuvre de cette stratégie, les gouvernements et la Commission se référent rarement au troisième. Pourtant, c’est lui qui donne sa spécificité au » modèle social européen « .
L’Union européenne s’est même donné un objectif chiffré pour le troisième pilier : réduire de 20 millions le nombre de personnes en risque de pauvreté.En l’état actuel, il y a peu de chances que l’objectif soit atteint en 2020, notamment parce que les préoccupations d’équité sociale ont été reléguées à l’arrière-plan, éclipsées par les soucis macro-économiques de court terme. Or, les objectifs d’équité sociale sont complémentaires, plutôt qu’antinomiques, des objectifs proprement économiques. Certes, nos systèmes de protection sociale doivent être réformés pour rester viables (pensions) ou pour éviter des incitants pervers ( » pièges à l’emploi « ). Mais la protection sociale peut être une force positive facilitant la restructuration d’économies confrontées au double défi de la globalisation et du changement technologique.
Grâce à son système d’allocations sociales, la Belgique a, mieux que beaucoup d’autres pays, réussi à contenir l’augmentation des inégalités de revenus. Le problème est qu’elle a laissé se développer des inégalités d’accès au savoir et partant à l’emploi. Les enquêtes PISA sont accablantes : la Fédération Wallonie-Bruxelles est une des entités qui dépensent le plus par élève ; pourtant, les résultats de ses élèves se situent largement en-dessous de la moyenne de l’OCDE et surtout montrent une très grande variance selon l’origine sociale. Or, il est établi qu’une faible qualification augmente le risque de pauvreté. Dès lors, plutôt que de laisser se perpétuer un coûteux système d’enseignement qui aggrave les inégalités que l’on s’efforce ensuite de limiter par un vaste système de transferts sociaux, ne vaudrait-il pas mieux améliorer les performances de notre enseignement pour réduire à ce stade les inégalités d’accès au savoir et à l’emploi ? Plusieurs régions ont montré qu’un système scolaire peut s’améliorer en quelques années, sans augmentation du coût global. Pourquoi ne réussirait-on pas semblable amélioration dans la Fédération Wallonie-Bruxelles ?
Une autre voie pour relever le niveau de qualification des travailleurs est la formation professionnelle des adultes. D’où l’idée de lier l’octroi d’allocations de chômage ou d’un revenu minimum à des obligations de formation, ce qui implique bien entendu une offre de formation appropriée.
D’autre part, le secteur des services non-marchands répond à des besoins réels et croissants et crée des emplois requérant des niveaux de qualification très différents. C’est nier le troisième pilier que d’imposer dans les programmes de » consolidation budgétaire » des mesures qui ont pour effet de réduire aveuglément l’emploi dans ce secteur.
La correction des déséquilibres macro-économiques n’est pas un but en soi mais un moyen au service d’un objectif plus large, celui d’une société plus prospère, plus durable et plus juste. Pour que la construction européenne reçoive l’adhésion des citoyens, il est essentiel que les trois piliers soient également présents.
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Retrouvez la chronique de Thierry Fiorilli le lundi à 7 h 20 sur Bel-RTL Matin.
par Philippe Maystadt Président de l’European Policy Center.
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