Les temps changent !

À 38 000 kilomètres d’altitude, il tournait déjà, incognito, au-dessus de nos têtes. Meteosat 8 a en effet pris son envol à Kourou, en Guyane française, le 28 août 2002 : une mise en orbite discrète, sauf pour la communauté internationale des météorologues, qui en espéraient beaucoup. Dix-huit mois plus tard, le galop d’essai du premier satellite météo de deuxième génération vient d’être jugé irréprochable. Désormais, depuis le 1er février, MSG1 fournit aux services météo européens  » des images plus précises et plus fréquentes, afin de préparer des prévisions de meilleure qualité « . Dites comme ça, d’après les termes choisis par son opérateur Eumetsat (l’organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques, basée à Darmstadt, en Allemagne), les performances du nouvel engin semblent un peu banales… Pourtant, il s’agit bien d’un outil de conception révolutionnaire, qui inaugure le catapultage dans l’espace d’une série de quatre satellites censés assurer, à tour de rôle, la pérennité du programme MSG jusqu’en 2018 – où une troisième génération de Meteosat prendra le relais.  » Une machine incomparable, dont on sous-estime encore les capacités « , souligne Henri Malcorps, directeur de l’Institut royal de météorologie de Belgique (IRM), avec, dans le regard, l’excitation d’un ado venant juste de recevoir la meilleure console de jeux du moment.

A raison : avec MSG1, pour la première fois,  » nous pouvons regarder la Terre avec douze yeux différents tous les quarts d’heure « , explique Johannes Schmetz, chef de la division météorologie d’Eumetsat. Les satellites MSG, en orbite géostationnaire,  » balaient  » comme leurs prédécesseurs le disque terrestre, dans sa totalité. Toutefois, grâce à leurs douze canaux (leurs yeux, en quelque sorte) et leur cycle de répétition de quinze minutes seulement (au lieu de trente, naguère), ils sont en mesure de fournir vingt fois plus d’informations. Présentant chacun une perspective différente de la Terre, ces douze canaux (ils n’étaient que trois, sur les anciens Meteosat) peuvent être combinés les uns aux autres, pour  » extraire de nouveaux produits météorologiques « . Ainsi, ils permettent de mesurer l’ozone, de détecter des feux de forêts, d’obtenir des indices de la végétation, de distinguer la neige en surface des nuages chargés d’eau, de relever les instabilités atmosphériques locales susceptibles de déclencher des tempêtes violentes.

En outre, MSG1 ne se contente pas de livrer rapidement des données : ses images sont aussi d’une excellente qualité. Et comme certaines d’entre elles, après traitement au sol, sont disponibles en couleurs, les experts peuvent suivre plus aisément l’évolution des phénomènes climatiques. Par exemple, déterminer si (et quand, surtout !) un nuage commence à glacer reste primordial pour les prévisionnistes des aéroports.  » La colorisation facilite également la distinction entre nuages bas et brouillards, de même que le repérage, dans les cumulo-nimbus, de la zone où un orage devient réellement actif « , poursuit Malcorps. En clair, là où s’estompaient, hier encore, des contours un peu vagues, surgissent aujourd’hui des photos d’une grande netteté. Dans la lumière visible, leur résolution n’est plus que d’un seul kilomètre (contre 2,5 kilomètres, chez les  » vieux  » Meteosat). Tout est donc beaucoup plus net et précis.

Bien sûr, après transmission des données en Allemagne, puis leur premier traitement informatique en Grande-Bretagne, ce sont les  » utilisateurs finaux  » de chaque pays (en Belgique : l’IRM, l’armée, Belgocontrol…) qui apprécient surtout ces nouveautés. Le grand public, lui, ne  » verra « pas directement les améliorations. Si ce n’est dans les prévisions à courte et moyenne échéances, qui devraient s’en trouver ajustées.  » Celles-ci, dans l’esprit des gens, laissent cependant toujours à désirer, constate Malcorps. Car, au fur et à mesure que les prévisions se perfectionnent, les consommateurs deviennent aussi de plus en plus exigeants.  » Il n’empêche : il y a trente ans, les pronostics ne dépassaient pas trente-six heures. Aujourd’hui, il est facile de connaître le temps qu’il fera dans… dix jours.  » Par souci d’exactitude, nous nous limitons à six « , ajoute le directeur de l’IRM. En télévision, les images et les animations météo devraient cependant gagner elles aussi en détails. Il est en effet désormais possible de  » zoomer, par exemple, sur un brouillard « .

Pour bénéficier de tous les avantages de cette belle mécanique, la Belgique a bien dû ouvrir sa bourse : la Politique scientifique fédérale finance environ 3 % du budget total d’Eumetsat, soit entre 8 et 10 millions d’euros par an. Mais la participation de notre pays ne se limite pas au paiement des quotes-parts : des industries et des instituts de recherche contribuent directement à la construction des satellites (confiée à l’Agence spatiale européenne) et au traitement des données qu’ils moissonnent. A bord de MSG1 figure d’ailleurs Gerb, un instrument du bilan radiatif de la Terre (il mesure comment la Terre se réchauffe et se refroidit), dont l' » £il  » est entièrement belge : quelques kilos d’une technologie de pointe, pour capter des images dont on n’a pas fini de se régaler… l

Valérie Colin

Les prévisions peuvent porter sur dix jours, mais l’IRM se limite prudemment à six jours

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