Les sujets qui fâchent

E Un drame annoncé

Jean Ziegler rappelait récemment à quel point la faim dans le monde est  » un massacre quotidien « , qui se déroule depuis longtemps  » dans une normalité glaçante « . Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères, a laissé entendre que l’émoi actuel autour de ce problème, dans les pays riches, pouvait s’expliquer par la crainte d’un afflux gigantesque de réfugiés au ventre creux. Autre hypothèse, encore plus cynique : nos soucis du moment sur le pouvoir d’achat, en Europe, nous rendraient plus sensibles à la faim dans le monde…

E Les grandes institutions sur la sellette

De la Banque mondiale (BM) au Fonds monétaire international (FMI), en passant par l’OCDE, tous les acteurs planétaires de haut rang s’inquiètent de la tournure prise ces dernières semaines par le problème alimentaire. N’est-ce pas indécent ? De nombreuses voix rappellent, en effet, que les programmes d’ajustement structurel, imposés par la BM et le FMI dans les années 1980 et 1990, ont imposé aux pays du Sud une spécialisation radicale de leurs agricultures, qui a favorisé les cultures d’exportation au détriment de cultures vivrières susceptibles de nourrir les populations locales. Les ONG de développement ne sont pas les seules à pointer, par exemple, la responsabilité de l’Organisation mondiale du commerce.  » L’OMC regarde l’agriculture par le petit bout de la lorgnette comme si seul comptait le commerce, résume Jean-François Sneessens, professeur d’économie agricole à l’UCL. Or cette vision réductrice, qui néglige la souveraineté alimentaire, n’est possible que parce qu’elle a cours d’abord chez les pouvoirs publics nationaux et dans de nombreux milieux scientifiques.  » (1)

E Une spéculation effrénée

Sous l’effet de la crise financière internationale, les spéculateurs se sont récemment rués sur les matières premières agricoles, considérées comme des valeurs refuges, en espérant une hausse durable de leurs prix. Jean Ziegler propose de freiner cette spéculation. Comment ? En portant à 30 % la part des fonds propres (pour 5 % actuellement) lors des achats de récoltes sur le marché à terme. Une révolution, assurément.

E L’aubaine des OGM ?

Les firmes semencières pourraient profiter de la crise de la faim pour prôner le recours aux organismes génétiquement modifiés (OGM), censés  » nourrir le monde de demain « . Mais, jusqu’à présent, l’essentiel de leurs efforts s’est tourné vers les cultures les plus rentables, dans les pays riches et émergents, et non vers des variétés adaptées aux pays pauvres, jugés non solvables.

E Aide, profit et… corruption

En 2007, l’aide au développement accordée par les pays riches a diminué de 8,4 %. Pendant ce temps, les firmes agro-alimentaires, comme Nestlé (n° 1 mondial) continuent d’afficher des profits insolents. Les pays du Sud, de leur côté, ont souvent négligé d’investir l’aide financière au développement dans l’agriculture de subsistance et la souveraineté alimentaire. Corruption et gabegie y font encore trop souvent des ravages.

(1) Lire, à ce sujet, Nourrir la planète, comprendre la souveraineté alimentaire (collectif), Ed. Luc Pire (2008).

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