Les oubliés de l’hépatite C

Pour le groupe le plus exposé à l’hépatite C, celui des toxicomanes, des propositions de traitements commencent enfin à émerger du désert

(1) Schering-Plough.

(2) Un dépistage gratuit sera proposé dans divers hôpitaux : à Liège le 27 mai, à Bruxelles le 28, à Charleroi le 3 juin et à Namur, le 4. D’autre part, la première journée nationale contre l’hépatite C, organisée par le Chac, aura lieu le 23 juin, au hall des sports Baudouin Ier, à Jodoigne. Rens. : 061 26 68 90.

En général, un toxicomane qui a contracté une hépatite C ne place pas le traitement de cette infection au premier rang de ses priorités. Jusqu’à présent, le corps médical ne se précipitait pas non plus pour le lui proposer. Pourtant, le virus, transmissible (par le sang), que porte en lui ce malade peut être mortel… Depuis un an, à Bruxelles, avec le soutien d’une firme pharmaceutique (1), des médecins, des hépatologues, des psychiatres, des infirmiers et des assistants sociaux se sont regroupés pour construire, enfin, une stratégie de traitements adaptée au groupe des patients le plus atteint par l’hépatite C : celui des usagers de drogues. A l’échelle de la Belgique, il s’agit d’un vrai bouleversement. En effet, et cela est vrai pour tous les porteurs, les pouvoirs publics ne peuvent se vanter d’aucune politique de santé réfléchie, cohérente et offensive contre l’hépatite C, y compris au niveau de la prévention. Pourtant, la dangerosité de ce virus, qui frappe 7 fois plus que celui du sida, n’est plus à démontrer. Dans 20 % des cas, il provoque une cirrhose et/ou un cancer du foie chez 3 à 5 % des personnes infectées.

Le Réseau hépatite C-toxicomanie a déjà intégré 160 patients, recevant tout d’abord le soutien nécessaire pour entamer un traitement de substitution.  » Diverses études, menées aux Etats-Unis et en France, montrent que l’on assiste progressivement à une diminution du nombre des personnes infectées par l’hépatite C lors de transfusions, explique le Dr Jean-Pierre Mulkay, hépato-gastro-entérologue au CHU Saint-Pierre (Bruxelles) et instigateur du réseau hépatite C. En revanche, l’incidence de cette maladie reste importante chez les utilisateurs de drogues. Dans des pays comme la Suisse, les Pays-Bas ou la Grande-Bretagne, où des distributions officielles de seringues sont organisées, on compte de 30 à 40 % de porteurs de l’hépatite parmi les toxicomanes. Pour 50 à 70 % en Belgique. Une récente recherche menée à Charleroi a même montré que 83 % des toxicomanes étaient porteurs du virus de l’hépatite C (et 1 %, de celui du sida).  »

En moyenne, le virus est détecté chez les toxicomanes vers l’âge de 30 ans. Tous n’ont pas pris les mêmes produits, ni pendant la même durée et leur insertion socioprofessionnelle ou familiale peut être très variable. Dans 85 % des cas, les lésions dues à l’hépatite sont minimes ou modérées. Une majorité de ces personnes répondent de manière favorable aux nouvelles thérapies, très efficaces. Ces dernières, couplées aux traitements de substitution, sont devenues moins lourdes, plus courtes et avec moins d’effets secondaires. Elles sont donc mieux respectées par ces malades, réputes  » difficiles « .  » De toutes manières, une étude a également montré que de petits écarts n’empêchent pas un taux plus qu’honorable de réponse à la thérapie « , précise le Dr Mulkay. La qualité de relation développée avec le médecin, le psy ou les intervenants du réseau constitue un atout supplémentaire. L’alcoolisme, qui remplace souvent la drogue, un des points noirs…

 » Face aux toxicomanes, l’attentisme de principe n’est plus acceptable : il est préjudiciable aux patients « , affirme le Dr Jean-Pierre Mulkay. Mais ce constat s’étend, finalement, à toute la problématique de l’hépatite C : contrairement à la France, il n’existe pas, chez nous, de plan national de lutte contre l’hépatite C. Beaucoup repose donc finalement sur les bonnes volontés ou l’énergie des soignants et des familles concernées par la maladie.

Ainsi, le Chac, une association de patients, bataille encore et toujours pour faire bénéficier les porteurs de l’hépatite C d’une vaccination gratuite contre l’hépatite A et B, pour élargir les critères d’admission aux traitements à tous les patients en ayant besoin, pour lever les restrictions qui frappent les thérapies destinées aux enfants et, finalement, pour que des crédits permettent, enfin, de diffuser une bonne information sur la transmission de ce virus et ses dangers. Actuellement, dans notre pays, de 80 000 à 100 000 personnes sont déjà contaminées. Un pourcentage important d’entre elles l’ignore (2). Au risque de repousser une prise en charge adéquate et de négliger les risques de transmettre, à leur tour, cette maladie…

Pascale Gruber

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