Les nouveaux pétroles

La baisse des réserves amène les compagnies à miser sur d’autres types de gisements. Une aventure aux enjeux considérables, qu’illustre une exposition à la Cité des sciences, à Paris

(1) Pétrole, nouveaux défis, du 10 février au 15 août à la Cité des sciences et de l’industrie, à Paris, en partenariat avec L’Express. Renseignements : 00 33 1-40-05-80-00.

Après un cru 2003 mouvementé, sur fond d’affaire Ioukos et de conflit irakien, l’année 2004 n’a pas débuté sous les meilleurs auspices pour l’industrie pétrolière : le 9 janvier dernier, à la surprise générale, le géant anglo-néerlandais Shell annonçait en effet une révision à la baisse de 20 % de ses réserves prouvées. Aussitôt, son action perdait près de 10 % à la Bourse de Londres, tandis que l’agence de notation Standard & Poor’s plaçait l’entreprise sous surveillance négative. Mais la secousse n’est pas uniquement d’ordre financier : au travers du cas Shell, c’est tout le débat sur la validité des estimations de réserves pétrolières au niveau mondial qui se trouve relancé. Avec, en point de mire, le fameux peak oil, date à partir de laquelle la production commencera irrésistiblement à décliner.

Si l’on en croit les estimations de l’USGS, l’agence de recherches géologiques américaine, le monde disposerait d’un potentiel de 3 000 milliards de barils de pétrole, à diviser en trois parts égales : 1 000 milliards de barils de réserves  » prouvées « , immédiatement exploitables par les compagnies, 1 000 milliards de réserves  » probables « , qui devraient être découvertes dans les années à venir, et encore 1 000 milliards de barils escomptés grâce à l’amélioration du taux moyen de récupération du pétrole. Au total, à consommation égale, les réserves pétrolières seraient ainsi suffisantes pour satisfaire les besoins de l’humanité pendant encore au moins une centaine d’années, largement de quoi attendre que les sources d’énergie susceptibles de se substituer aux hydrocarbures deviennent rentables.

Mais les estimations officielles, qui reposent sur les données fournies par les compagnies pétrolières et les pays producteurs, sont contestées par une partie de la communauté scientifique : selon l’association Aspo, qui regroupe un grand nombre de géologues de renom, les réserves effectives seraient inférieures de 30 à 50 % aux chiffres officiels, ce qui situerait le commencement du déclin de la production, et donc l’augmentation des prix, au début de la prochaine décennie.

Pour conjurer ce danger, les grands groupes disposent cependant d’un certain nombre d’atouts : de plus en plus, ils se tournent vers les pétroles dits  » non conventionnels  » (pétroles lourds, sables asphaltiques, schistes bitumineux), encore disponibles en grande quantité : le Canada et le Venezuela, à eux seuls, disposeraient ainsi de près de 3 000 milliards de barils de réserve de ce type. Seul inconvénient : ces gisements, moins accessibles, sont plus difficiles à exploiter. Pour les rentabiliser, les compagnies doivent donc déployer des moyens humains, technologiques et financiers considérables û comme en témoigne spectaculairement une exposition consacrée aux nouveaux enjeux pétroliers, pour laquelle des exploitations entières, au Venezuela, en mer du Nord ou en Angola, ont été reconstituées (1). Des investissements très lourds, mais qui commencent déjà à porter leurs fruits : selon l’Institut français du pétrole, 300 milliards de barils de pétrole non conventionnel seraient d’ores et déjà récupérables, soit l’équivalent des réserves actuelles de l’Arabie saoudite. De quoi relativiser les prévisions les plus alarmistes : si inéluctable soit-elle, la fin de l’âge du pétrole n’est pas encore pour demainà

Benjamin Masse-Stamberger

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