Les nouveaux entrepreneurs

Ce sont des self-made-men. Parfois bien nés, mais qui ne doivent pas leur réussite à leur ascendance. Si le pouvoir économique des grandes familles a progressivement décliné à Liège, le leur a pris de l’ampleur. À l’origine des futures lignées entrepreneuriales ?

LAURENT MINGUET Appelez-le (aussi) M. le Consul

Sur la porte, ne cherchez pas l’inscription  » CEO  » ni le nom d’une des sociétés qu’il possède. C’est dans son bureau de consul honoraire du Sénégal que Laurent Minguet accueille ses interlocuteurs. La diplomatie, une nouvelle casquette à ajouter à sa collection.  » Il reste encore quelques aspects à régler, mais certains m’appellent déjà « Monsieur le consul » « , s’amuse l’homme d’affaires liégeois.

Le choix du pays n’est pas un hasard : il y développe une demi-douzaine de projets, dont un complexe immobilier dans la ville touristique de Cap Skirring.  » Des villas en bord de mer, là où Jacques Attali et Benoît Poelvoorde vont en vacances.  » On comprend mieux son teint hâlé, lui qui passe là-bas  » 10 % de son temps « .

S’il le voulait, il pourrait y bronzer en permanence. De son propre aveu, cela fait quinze ans qu’il pourrait arrêter de se soucier de son compte bancaire. Tout ça grâce à EVS, la société sérésienne spécialisée dans les serveurs vidéo au sein de laquelle il était salarié et qu’il a rachetée en 1994 avec son comparse, Pierre Lhoest. Société à l’époque en faillite. Introduite en bourse quatre ans plus tard.  » Un coup de chance, une opportunité, un bon timing.  » Une intuition gagnante, surtout : celle de miser sur les enregistreurs RAM plutôt que les disques durs. Bingo.

Bis repetita en 2004 lorsqu’il créa XDC (devenu depuis dcinex), firme spécialisée dans la numérisation des salles de cinéma. Mais l’informatique, c’est fini. Laurent Minguet ne jure désormais plus que par le vert.

Toutes les entreprises au sein desquelles il a placé des billes tournent autour des énergies renouvelables : groupe Horizon (bâtiments thermo-efficaces), Solinvest (photovoltaïque), Coretec (engineering énergétique), Greeninvest (tiers-investissement), Mega (nouveau fournisseur d’énergie)… Soit  » quelques dizaines  » de participations au total, allant de 5 % à 100 %.  » Lorsqu’on a du patrimoine, on est tout le temps sollicité « .

S’il se dit  » très peu clubs « , il fut tout de même le président du Cercle de Wallonie et en reste le vice-président. Il est aussi membre de l’Académie royale de Belgique.  » J’ai souvent été sollicité par des loges maçonniques, mais je n’ai pas le temps !  »

Ses moments libres, il préfère les consacrer au golf, aux soirées en amis, aux bons vins. Pas aux signes extérieurs de richesse :  » Je m’habille comme un ingénieur. Je pourrais m’acheter une voiture à 80 000 euros, mais j’ai une BMW i3. Je suis un fils de classe moyenne « . Car s’il ne lève pas le pied, ce n’est pas par appât du gain, certifie-t-il. Mais par goût pour la création.  » Ce qui me procure du plaisir, c’est de construire.  »

PIERRE-CHARLES BERRYER  » Laisser des traces  »

Comme son nom ne l’indique pas, Pierre-Charles Berryer est Anversois. Fils de bonne famille débarqué en Cité ardente à 18 ans, contraint à l’époque de suivre son père venu fonder la société Terval, encore active au sein du Port autonome de Liège. Mais l’import de charbon industriel, c’est très peu pour lui.

Son truc, c’est l’immobilier. Bien qu’il ait d’abord commencé sa carrière dans les logiciels de gestion.  » Pendant seize ans, j’ai créé et revendu des sociétés, raconte-t-il. Mais dès que je gagnais un euro dans l’informatique, j’en dépensais deux dans la brique.  » D’abord un kot, puis un immeuble rue Louvrex, encore un autre rue de Fragnée… Et ainsi de suite.

Jusqu’à ce qu’il ait  » la folie  » de racheter pour quelque 3,3 millions d’euros les deux hôtels particuliers de Selys Longchamps (de la famille du même nom) et des comtes de Méan, à deux pas du centre de Liège, pour les transformer en hôtel 5-étoiles – le Crowne Plaza actuel – et les revendre une fois les travaux terminés.

C’est aussi son nom que l’on retrouve derrière plusieurs projets liés au Cadran, cette  » porte d’entrée  » de Liège : d’abord avec la salle événementielle qui fut rénovée puis revendue, ensuite avec un parking, enfin avec 4 immeubles d’appartements et de bureaux.

Autre projet d’envergure : la Grand Poste, qu’il a achetée en 2006 pour 3,6 millions d’euros et qu’il espère transformer en un complexe mêlant logements, commerces, appart-hôtel. Un jour, peut-être, tant les  » lenteurs administratives  » retardent ses ambitions. Pierre-Charles Berryer est aussi l’un des deux candidats toujours en lice pour la reconstruction des immeubles de la rue Léopold détruits par l’explosion de gaz.

Sans oublier toutes ses autres participations au-delà des frontières liégeoises, via sa société Invest & Corporate (éco-résidences à Herve et Verviers, ferme des Hauts-Sarts à Herstal…). Ainsi que toutes les entreprises liées : TimberTeam, WindowsTeam, CoverTeam, Immopoly, Business Center Médiacité, Top Coffee. Souvent en partenariat avec son frère, Jean-Louis.  » Ce qui me motive, conclut-il, c’est de mettre mes enfants à l’abri. Puis, faire de l’immobilier, c’est laisser des traces…  »

FRANÇOIS FORNIERI L’homme de réseaux

Peut-être tire-t-il ses gènes entrepreneuriaux de sa grand-mère italienne commerçante, qui avait beaucoup voyagé avant de s’installer en Belgique.  » On naît entrepreneur. On ne le devient pas.  » Une chose est certaine : François Fornieri tient son ancrage liégeois de sa famille et de son père ouvrier sidérurgiste.  » Pour moi, les origines comptent beaucoup. Je suis très attaché à ma ville. J’y suis né, j’y ai étudié, j’ai y développé Mithra.  »

Mais avant d’en arriver là, cet ingénieur commercial de formation a d’abord commencé comme délégué médical, puis comme responsable des ventes pour le Benelux d’une société pharmaceutique allemande, Schering. C’est là qu’il apprend tout de la santé féminine. Aussi, lorsque le professeur Jean-Michel Foidart lui propose de créer une spin-off spécialisée dans la contraception, il n’hésite pas.

C’était en 1998. Seize ans plus tard, Mithra vient de lancer un plan visant à créer 15 filiales à travers le monde.  » Mais dès le départ, j’avais bien en tête d’en faire une multinationale « . L’homme d’affaires s’apprête aussi à construire une usine de recherche et développement à Flémalle. De quoi créer près de 160 emplois.

François Fornieri ne s’en contente pas. Il multiplie aussi les participations ( » une dizaine « ) dans d’autres sociétés, via Ardentia Invest et sa SPRLYima. Dans des spin-off, en général. Comme Green Propulsion, jeune entreprise liégeoise qui développe des bus hybrides et la mythique Imperia. En tant qu’administrateur de Meusinvest, le holding financier public, il est aux premières loges pour repérer les projets intéressants.

Il s’est récemment offert l’hôtel de Bocholtz pour 1,4 million, un édifice du XVe siècle qu’il entend transformer en club d’affaires de standing. Il est aussi devenu le principal sponsor du festival international du jazz à Liège. Un soutien financier de 100 000 euros (50 % du budget de l’organisation) qui a valu à l’événement d’être rebaptisé Mithra Jazz à Liège. Incontestablement homme de réseaux, il est souvent cité comme un homme d’influence à Liège.  » D’influence ? Pas plus qu’un autre.  » Pas sûr.

Par Mélanie Geelkens

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