Les multinationales, championnes de l’impôt des sociétés ?

Ettore Rizza
Ettore Rizza Journaliste au Vif/L'Express

 » Près de 80 % de l’impôt des sociétés est payé par les grandes entreprises. Qu’est-ce qu’on va gagner si on les fait fuir ?  » Pieter Timmermans, administrateur délégué de la FEB (La Libre Belgique, 19 juillet).

Pieter Timmermans est doublement déçu. Un an après avoir pris la tête de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), l’administrateur délégué regrette deux choses, a-t-il confié à La Libre. Primo, le fait que certains continuent de nier les problèmes de compétitivité dont souffre notre économie ; secundo, l’opposition de plus en plus fréquente entre petites et grandes sociétés. Dans ce dernier cas, il vise la récente  » fairness tax  » (taxe d’équité), cet impôt minimum de 5,15 % que le gouvernement Di Rupo appliquera l’an prochain aux multinationales qui n’en payent presque pas, mais qui distribuent tout de même des dividendes à leurs actionnaires.

Une partie du produit de la taxe (140 millions escomptés pour 2013) servira à soutenir la croissance des petites entreprises. Or le patron des patrons belges condamne ce clivage entre  » PME et multinationales « , soulignant au passage que les grandes entreprises acquittent les quatre cinquièmes de l’impôt des sociétés (Isoc).

BIAISÉ Ni la FEB, ni l’Union des classes moyennes, ni un éminent expert universitaire n’a pu nous fournir l’origine de cette estimation. Et pour cause : il semblerait que l’administration fiscale n’ait jamais dévoilé la répartition exacte de l’Isoc. Tout au plus en a-t-elle livré quelques bribes à la suite de l’une ou l’autre question parlementaire. On sait ainsi qu’en 2008, d’après une réponse de l’ex-ministre des Finances Didier Reynders, les 500 plus grandes entreprises de Belgique avaient versé plus d’un quart de l’impôt des sociétés (26,5 %).

Et les autres ? Mystère. Le SPF Finances n’a pu nous répondre dans les temps. Faute de mieux, la Banque nationale de Belgique fournit quelques indices. Selon ses statistiques les plus fraîches (1), les grandes entreprises ont produit en 2011 près de 129 milliards d’euros de valeur ajoutée, soit 74,1 % du total des richesses entrepreneuriales. Ce pourcentage se rapproche de celui qu’évoque Pieter Timmermans, même si on ne peut en déduire qu’elles contribuent à l’Isoc selon une même proportion.

Seulement voilà : la BNB utilise une définition très large des  » grandes entreprises « . En Belgique, selon l’article 15 du Code des sociétés, le terme s’applique dès que plus d’un des plafonds suivants est dépassé au cours des deux derniers exercices : moyenne annuelle de 50 travailleurs occupés (et dans tous les cas au-dessus de 100), chiffre d’affaires hors TVA de 7,3 millions d’euros et total bilantaire de 3, 65 millions d’euros.

Toutes les autres sont qualifiées de  » petites « . Bref, il n’existe pas légalement d’entreprises moyennes en Belgique.

Selon les normes européennes, en revanche, toute firme qui emploie moins de 250 personnes est, selon le cas, une micro, petite ou moyenne entreprise. Si l’on adopte cette version, plus proche de la définition commune, 99,8 % des 498 225 sociétés belges sont des PME. Elles fournissent les deux tiers de l’emploi total et produisent 61,8 % de la valeur ajoutée (2).

Quoi qu’il en soit, la question de La Libre portait clairement sur les multinationales qui éludent l’Isoc, comme le géant ArcelorMittal, et non sur les établissements de plus de 50 ou 250 personnes. La réponse de Pieter Timmermans paraît donc trompeuse.

(1) bit.ly/ZoRrMG

(2) Chiffres 2011. Voir bit.ly/13zqlY8

Ettore Rizza

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