Tous les dimanches, les adeptes de Mgr Lefebvre se retrouvent pour la messe dans une église bruxelloise. Ambiance.
Pour trouver l’église Saint-Joseph à Bruxelles, lieu de culte de la fraternité Saint-Pie X, suivez les cors de chasse ! On les entend de loin : située au square Frère-Orban, l’édifice au double clocher se niche au c£ur d’un quartier de bureaux, désertés le jour du Seigneur. Pourquoi ces sonneurs en habit ? Pour célébrer la fête du Christ-Roi ! » Le Christ a le droit de diriger le monde, et le chrétien doit obéir à son Dieu « , explique avec aplomb l’abbé Pierre Champroux, 31 ans et soutane noire. Dans l’église, environ 200 personnes, et beaucoup de familles endimanchées. Veston cravate pour le père, mantille noire pour la mère, foulard pour la cadette. Missel et chapelet pour la plupart. Certains portent une croix, d’autres un écusson marial. Les signes religieux, ici, on est pour ! » Je porte le foulard en signe de respect pour le Saint-Sacrement, chuchote Elisabeth, 25 ans. Mais je l’enlève à la sortie. Le débat sur le voile ? Oui, il nous interpelle, même si les musulmanes sont souvent forcées de le porter. Pour moi, le foulard, c’est un choix. «
La messe débute par l’aspersion d’eau bénite : le père Bernard, un austère bénédictin germanophone à la tonsure typique, parcourt la nef, les pans de sa chasuble portés par ses acolytes. La chorale entame les chants grégoriens. Ensuite, comme le veut la tradition, l’officiant célèbre l’eucharistie dos aux fidèles, et en latin. Fidèles tour à tour debout, assis, à genoux : la liturgie s’apparente à une sainte gymnastique, dont seuls les dévots possèdent toutes les clés. Vient le temps de l’homélie : le père Bernard monte en chaire de vérité. Comme elle est située au milieu de la nef, la moitié de l’assistance se retourne. Son prêche (en français) sur les bienfaits du monachisme se transforme en un appel aux dons pour le monastère de Reichenstein, qui s’édifie à Montjoie, en Allemagne, non loin de la frontière belge. Le bénédictin n’aura évoqué qu’en une seule phrase les discussions doctrinales au Vatican, » pour lesquelles nous vous recommandons de bien prier « .
Dans l’assistance, Damien, jeune fonctionnaire fédéral, agenouillé. Le saint prénom ne cache pas l’esprit caustique : » Il y a un mois, le prêtre nous a encouragés à réciter vingt chapelets pour la fin du communisme. Les gens ici sont-ils tellement déconnectés de la réalité qu’ils sont passés à côté de la chute du mur de Berlin ? ironise-t-il. Le prêtre voulait en fait parler de » certaines formes de déchéance occidentale, comme la pornographie « , mais je n’ai toujours pas saisi le lien avec le communisme. » Mais lui, que fait-il donc au milieu de cette assemblée de » réactionnaires « , comme il dit ? » A part ce côté cinéma italien que j’affectionne, j’admire chez ces gens la volonté de revendiquer leur religion. Le catholicisme de nos églises est devenu tellement fade, et terre à terre. Ce qui m’intéresse, c’est Dieu et la transcendance, bien plus que Jésus-Christ. «
Tandis que la messe se poursuit, les fidèles se succèdent au confessionnal pour expier leurs péchés avant de recevoir la communion. L’hostie sera déposée sur la langue. » Si un fidèle tend les mains pour la communion, nous refusons, reconnaît l’abbé Champroux. Le Christ est présent dans l’hostie, et cela exige des rites de purification. Malheureusement, ils se sont estompés avec Vatican II. » A la sortie de l’église, l’apéro est offert aux fidèles : chips et vin blanc. Sur la façade, le drapeau du Saint-Siège flotte au vent. » Nous n’avons jamais rejeté Rome, explique l’abbé, nous restons fidèles à l’Eglise éternelle. » Mais tous, visiblement, n’en donnent pas la même définition.
FRANÇOIS JANNE D’OTHÉE